Une fresque historique fascinante !
Avec Magnificat, François-Henri Soulié propose le second volet de la trilogie qu’il consacre au Moyen Âge central, après Angélus.
Si le premier volet se déroulait en 1165, l’action du présent roman se passe en 1177 dans le comté de Narbonne où règne la vicomtesse Ermengarde. Dame Aloïs, cette femme qui professe la religion cathare, fait le lien avec l’épisode précédent.
Parce qu’il est le plus jeune et le plus léger, Aldo est envoyé à l’abbaye de Fontfroide, au cœur du rude hiver, porter le message de la vicomtesse Ermengarde à son neveu Aymeri de Lara. Le messager est tué en route par un mercenaire en quête de nourriture pour la bande de Lobar le loup.
Ermengarde se prépare, à l’aide de dame Aloïs, à une confrontation avec des marchands narbonnais qui veulent instaurer la république dans son comté, à l’image de Gènes ou Pise. Aloïs est inquiète depuis que le garçon qu’elle a élevé, Guilhem de Malpas, est revenu de la cour d’Aliénor d’Aquitaine. Il a ramené une pièce, Le Jeu d’Adam, qu’il veut monter encouragé en cela par Ermengarde. Celle-ci réussit à mater la rébellion mais doit aller chercher son neveu après la découverte du cadavre d’Aldo. Elle est affaiblie par la maladie et veut qu’il lui succède à la tête du comté de Narbonne.
Dans la grotte où les mercenaires se régalent de la viande de la mule, le plus érudit réussit à déchiffrer le message qu’il a trouvé dans les affaires de celui qu’il a tué. Il se réjouit car il y a de quoi déclencher une guerre.
Aymeri, quelques jours après son installation au château, décède mystérieusement. Un acteur, jouant dans la pièce liturgique, meurt également. Guilhem se trouve confronté, en fait, à des meurtres… qu’il décide d’élucider.
Si l’on retrouve Aloïs, celle-ci n’est pas le personnage central du livre. Le projeteur est braqué sur la vicomtesse et sur le troubadour. Ghilhem est arrivé il y a longtemps accompagnant dame Aloïs. Sa voix a charmé Ermengarde et celle-ci a proposé à la femme et à l’enfant de rester. Celui-ci est devenu un troubadour accompli qui va se muer en enquêteur.
François-Henri Soulié fait se rencontrer et passer à l’action, des personnages authentiques et de acteurs de fiction dans une guerre médiévale. Le comté de Narbonne est un pays prospère que certains rêvent de conquérir comme le comte de Saint-Gilles, le comte de Toulouse. Les marchands qui, grâce au commerce maritime, participent pleinement à la prospérité,e ne veulent plus du régime seigneurial et désirent une structure politique inspiré de villes italiennes. Parallèlement, l’Église de Rome et son représentant, monseigneur Pons d’Arsac, cherchent les moyens d’éradiquer ce qu’ils dénomment une hérésie, le catharisme. Les préceptes dérangent grandement les seigneurs ecclésiastiques quand il faut prôner abstinence, dénuement…
C’est alors un festival de complots, de trahisons, de conjurations, pour destituer la dernière représentante de la dynastie. Le romancier restitue à merveille l’atmosphère qui en résulte, les raisons politiques, les ambitions des uns et des autres. Il propose, avec de tels éléments, une intrigue subtile, riche en péripéties, en coups de théâtre et en félonies. La galerie des personnages, richement constituée, est décrite avec talent. Ces portraits sont étincelants, criant de vérité comme celui de Pons d’Arsac que l’on imagine facilement en voyant des tableaux représentants ces prélats “gras comme des cochons”.
Les décors et tous les éléments de la vie quotidienne sont décrits en détail, mais leur découverte n’est absolument pas ennuyeuse. Le ton est vif, le style enlevé et l’écriture fluide mettent à l’honneur tournures de phrase et vocables en vigueur à l’époque.
Avec Magnificat, François-Henri Soulié plonge son lecteur au cœur de l’Histoire avec un récit qui se déroule sur quelques jours, des journées intenses où la tension ne faiblit pas.
serge perraud
François-Henri Soulié, Magnificat, Éditions 10/18, septembre 2021, 522 p. — 15,90 €.