Quand la ville se vide
Dès le début de la pandémie, de nombreux New-Yorkais ont commencé à coordonner leurs couvre-visages avec leur personnalité. L’accessoire obligatoire et dissimulant est devenu, au-delà d’un effet de masque, une déclaration de soi. L’objet prophylactique s’est transformé en médium qui permet parfois encore plus de fichage identitaire que le visage lui-même.
Les signes peuvent en effet inscrire des appartenances, ethniques, communautaires, politiques.
La photographe italienne Francesca Magnani, basée à Brooklyn, arrivée à New York en tant que “Fulbright Scholar” en 1997, raconte depuis en mots et en images les histoires qui l’émeuvent tout en faisant la chronique de sa vie. Elle s’intéresse aux questions d’identité et de représentation de soi. La pandémie lui a permis un projet formidable vu le pouvoir que détiennent les masques en tant qu’artefacts qui rappellent simultanément une maladie et sont cruciaux pour la conjurer.
Francesca Magnani a parcouru les quartiers de la ville et a compris comment peu à peu les habitants ont su inscrire sur un morceau de tissu leur affectivité. La photographe parle à ceux qu’elle photographie pour connaître l’histoire de leurs masques : certains sont fabriqués par une mère, une amie, d’autres trouvés dans un panier avec un message écrit par un voisin.
Et la créatrice de préciser : “chaque masque me rappelle un itinéraire spécifique que j’ai parcouru au cours de l’année écoulée et me rappelle l’étincelle de connexion qui m’aide à me sentir enracinée et humaine.”
Un certain nombre d’images de la série ont été acquises par le “Smithsonian National Museum of American History” pour rappeler comment les personnes se sont adaptées à cette nouvelle façon de se déplacer dans le monde.
jean-paul gavard-perret
Francesca Magnani, The City in Masks (La città in maschera), Consulat général d’Italie à New York, du 7 octobre au 11 novembre 2021.