Les nombreux afficionados de la série ont dû patienter huit ans avant de retrouver leur héros favori, à savoir John Blacksad, un chat noir, détective de son état à New York.
Depuis la publication de Quelque part entre les ombres (Dargaud – nov. 2000), la série s’est étoffée et présente le 6e tome, premier volet d’un diptyque.
Blacksad et Weekly assistent au festival Shakespeare in the Park quand la police intervient. La manifestation est illégale car elle enfreint le règlement municipal en détériorant l’espace public, la pelouse où se presse le public. Blacksad, qui connaît le Lieutenant de police, obtient que le dernier acte de la pièce soit joué ce qui évite une bataille rangée.
Rentrant chez lui, John intervient avec vigueur pour sauver des griffes de trois voyous Kenneth Clarke, le président du syndicat des travailleurs du métro. Celui-ci est devenu gênant pour Solomon, le maître aménageur de New York, qui veut démanteler le réseau des transports en commun de la ville pour installer de gigantesques autoroutes urbaines. Clarke sait qu’il a un tueur à ses trousses et demande à John de le protéger.
Weekly, qui a fait la connaissance d’une jolie comédienne, apprenant qu’elle rédige des articles, la présente à son nouveau rédacteur en chef. Si elle est embauchée pour le ton nouveau qu’elle va apporter, Weekly, lui, doit changer de style.
C’est ainsi qu’il va suivre Solomon pour un grand reportage alors que Blacksad, qui n’a pu empêcher le meurtre de Clarke, va s’attacher à la personnalité de l’aménageur…
Après le road-movie à travers les USA décrit dans Amarillo (Dargaud – nov. 2013), les auteurs reviennent à New York. Le cadre est idéal pour un scénariste car cette ville, tentaculaire dans toutes les dimensions, est un creuset de turpitudes et de fantasmes. Diaz Canales peut, à son aise, fouiller les tréfonds de la cité et les tréfonds de ses personnages. Le redoutable Solomon pourrait être inspiré d’un individu authentique, Robert Moses, un urbaniste qui, durant une longue carrière, a façonné New York à partir des années 1930. Avec Alors, tout tombe, c’est l’occasion rêvée de concilier enquête policière, critique sociale et une plongée dans différents milieux de cette ville qui est à la fois fascinante et repoussante.
Si Blacksad reste le détective taiseux plus à l’aise avec ses poings qu’avec des discours, l’humour est présent avec les facéties de Weekly. Mais, avec ce héros, Diaz Canales met en avant une générosité, insuffle un peu d’humanité… même si la galerie des personnages est entièrement animalière.
Juanjo Guarnido met en images de façon fantastique ce scénario et le sert à merveille avec son dessin si reconnaissable. Il donne des personnages zoomorphes plus vrais que nature, présentant de très nombreuses races et les animant de façon très réussie. Il faut saluer l’exploit de faire sourire un crocodile, faire exprimer la surprise à une grenouille, l’énervement à un porc-épic…
Il réalise des décors superbes avec des angles de vues atypiques, des perspectives audacieuses et un art du cadrage.
Ce sixième album récompense la patience dont il a fallu faire preuve tant cet opus concentre de talents. C’est un hommage brillant à l’univers du polar et de film noir.
La publication du second volet est programmée pour le début de l’année 2023.
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serge perraud
Juan Diaz Canales (scénario) & Juanjo Guarnido (dessin et couleur), Blacksad — t.6 : Alors, tout tombe, Dargaud, octobre 2021, 60 p. – 15,00 €.