Tout à fait, Thierry.
Les éditions Jacob-Duvernet nous invitent à découvrir dans une collection naissante une sorte d’anthologie des grands moments du football, présentée par décennies, et commencée étrangement par le milieu, soit les années 80. Anthologie, car pour chaque année un événement majeur est choisi, le reste de l’année footballistique étant traité de très loin, et toujours en lien avec cet événement.
Ce choix s’avère payant car il permet de focaliser l’exercice de la mémoire (pour les plus anciens) ou la passion de la découverte (pour les plus jeunes et/ou les néophytes) sur un pan de ce qui a pu, étant donné l’impact de ce sport, se greffer à la mémoire collective. Les événements dépassent parfois dramatiquement la compétition sportive, comme lors de la tragédie du Heysel, ce stade belge où vinrent mourir, piétinés par une foule en panique, une quarantaine de supporters italiens, juste avant la finale entre Liverpool et la Juventus de Turin en 1985.
Le phénomène hooligan, alors en plein essor, commença à être combattu, du moins au Royaume-Uni (c’est encore un sujet très problématique aux Pays-Bas, en Serbie, en Turquie, et même en France, où le hooliganisme fut a l’origine de drames très graves il y a peu) par des mesures draconiennes. Autres événements marquants : le début de la domination marseillaise sur la fin de la décennie, la défaite des Belges héroïques en finale de la Coupe d’Europe 1980 (gagnée par les Allemands, qui avaient pris l’habitude — heureusement souvent démentie — d’être ceux qui gagnaient toujours à la fin, comme le dit le célèbre adage), la victoire de Bastia en finale de la Coupe de France 81 (dont profitent les auteurs pour rappeler la légende européenne des Corses de Papi et de Rep à la fin des années 70) ou, surtout, la demi-finale de Coupe du monde perdue par la France en 1982, contre les inévitables Allemands, à l’issue d’un match à suspense qui a marqué toute une génération (Thierry Roland n’oublie évidemment pas le traumatisant attentat du gardien allemand Schumacher sur l’arrière français Battiston, qui finira le match a l’hôpital).
Deux personnages, enfin, relèvent par leur talent ces années de transition pour le football français, puisque aucun club hexagonal ne brille à l’échelle européenne pendant la décennie et qu’après 1986 et la deuxième demi-finale perdue en Coupe du monde, l’équipe de France n’aura rien à se mettre sous la dent pendant dix ans. Il y a d’abord le pur talent de Michel Platini, qui fit briller l’équipe nationale et son club italien de la Juventus et reste unique dans l’histoire de ce sport avec ses trois ballons d’or. Il y a aussi la belle philosophie de Michel Hidalgo, le sélectionneur français, qui le premier a mis pour tous des mots simples et généreux sur ce que devait être ce sport d’équipe, et a réussi a transcender toute une génération. C’est lui qui a écrit la préface de cet ouvrage, et il méritait amplement cet hommage.
Le fil conducteur de ce voyage dans le temps n’est autre que le souvenir qu’en garde Thierry Roland, l’un des commentateurs les plus populaires de la seconde moitié du XXe siècle, resté célèbre aussi par un “Vous êtes un salaud !” enfiévré lancé à tel arbitre ou par le constat béat qu’il pouvait mourir après avoir assisté au sacre mondial de l’équipe de France en 98.
On retrouve cette passion, que d’aucuns qualifieraient d’excessive et ce sens de la formule plus ou moins bien choisie dans un texte assez enlevé et vivant, mais qui reste très auto-centré, puisqu’on y suit en détail, entre Antenne 2 et TF1, les déambulation cathodiques de l’intéressé et de son indispensable acolyte, le très compétent “Jean-Mimi” Larqué, dont le “Tout à fait Thierry” donna parfois un peu de vie à des 0–0 de cimetière. On peut de ce fait notamment regretter que le drame du Heysel ne soit évoqué qu’en passant, l’auteur lui-même, coincé dans sa tribune de presse, n’en n’ayant rien vu… Cela dit, le témoignage, comme le bonhomme, sont sympathiques et sont efficacement complétés par le travail de présentation de l’ouvrage, tant sur le plan des lettrages, très années 80 pour les titres des dix chapitres, que sur celui de l’iconographie, riche et renforcée parfois par un jeu de déformation des images (légère solarisation, effet TV…).
Un graphisme intéressant et qui aère ce livre finalement très agréable à parcourir.
Agathe de Lastyns
Thierry Roland (en collaboration avec Jean-Paul Vespini), Les grandes années du football / Les années 80, Jacob-Duvernet, décembre 2011, 144 p.- 25,00 €
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