Les textes qui forment le cahier Expérience ont été conçus pour la publication virtuelle sur la Toile. Ils sont donc un exercice de la vélocité, au présent. Cela n’enlève en rien le travail de reconstruction du livret depuis le manuscrit, réservé exclusivement au Web. J’ai pensé que cette aventure littéraire en ligne se rapprocherait peut-être de l’écriture de Pacific 231, sorte de calque de la musique savante sur un objet de la modernité, ici dans le sens inverse, créée pour, vers une technologie comme support.
Je travaille donc au fur et à mesure pour livrer ces textes, qui sont des points de vue parfois abstraits sur ma connaissance du monde.
Parce que je marche
mon linceul me rattrape
Adonis
À dire vrai, il n’y a pas de compréhension mais des mystères qui s’agglutinent en mystère, en mystère de mystères.
Tout comme la vie humaine. Tout comme les questions sur le destin, sur la source et la fin de toute vie.
Cependant une force pousse vers la clarté. Même au milieu de la caverne imagée, les images donc sont des réalités, la suie d’un feu, une existence, une plastique où la fumée dessine des ombres et des zones claires — à la façon des dessins de Hugo.
Et afin d’aller vers le clair, il faut la puissance solaire.
Parfois je n’ai rien et ce rien me justifie.
Je suis présent, car écrire rend présent, à la fois au milieu du manuscrit, dans la dactylographie, dans la relecture, dans le travail d’épure, je suis présent.
Puis, de là, le lecteur donne son présent lui aussi, le mêle au temps arrêté du poème.
Si j’observe ma démarche, si elle paraît distante et presque sans chair, c’est parce que le corps est absent ici, il ne survit pas. Mais, plus profondément, je suis actuel à mon texte, présent à lui. Donc, la nudité se substitue au peu d’informations, au peu de contingences dont je ne fais pas état.
J’ai trop parlé du bureau, de la chambre d’écriture quand la vérité ne cède pas dans ce climat narratif. Je ne narre rien. Je fais état de la pensée.
Logique, langage, apprentissage.
Ton visage est silencieux comme mon visage.
Toutefois, cette tentative pour réduire au plus serré, au plus important le flux de la pensée, son existence in vivo, la seule démarche est d’évider et de retenir, de rendre absent et de me manifester par omniprésence.
Pourrais-je dire : ce destin qui vient à moi est l’unique trace de destination vers le futur ? Donc, destinée calquée sur un mouvement, la réalité d’un dynamisme, d’un écoulement, d’une variation, d’un tremblement.
Quels sont ainsi les stigmates du corps ? car un corps poursuivi n’est pas un corps, une marche hâtive n’est pas une marche, une mort voulue n’est pas une mort.
La volonté ici ne compte pas.
La voie lactée est un manteau d’étoiles, une cape de lumière spirituelle.
didier ayres