Un thriller scientifique de haute volée
Après Le Syndrome [E], les éditions philéas propose une nouvelle enquête du commissaire Franck Sharko et de l’inspectrice Lucie Henebelle. Sharko est l’enquêteur le plus fameux de Franck Thilliez, un policier hors-pair, torturé par les nombreuses situations dramatiques qu’il a vécues.
S’ils ont été très proches, Lucie et Franck se sont séparés, voilà un an, après la mort des deux filles de Lucie, cette dernière le rendant responsable de leur assassinat.
À Lille, un collègue annonce à Lucie le suicide de Grégory Carnot, le meurtrier de ses deux filles. Choquée, car il a « retrouvé sa liberté », elle veut savoir s’il a laissé un message explicitant son geste. Il a tracé une fresque bizarre, dessinée à l’envers. Furieuse, elle prend un congé maladie pour enquêter.
Dans la région parisienne, Franck Sharko, titillé par le fantôme de sa fille, est en route. Eva Louts a été tuée par une guenon dans un centre d’études animalières. Elle menait une thèse de biologie et s’intéressait beaucoup à la latéralité qu’elle voulait étudier aussi chez les singes. Mais, l’autopsie démontre que le singe n’est pour rien dans la mort de la jeune femme. Dans son appartement, les policiers découvrent qu’Eva avait beaucoup voyage ces derniers mois. Par contre, l’ordinateur a été vidé d’une partie de la thèse. Elle a rendu visite à des criminels très violents, tous gauchers. Et le dernier qu’elle a rencontré est Grégory Carnot. C’est à l’enterrement de Carnot que Lucie et Franck se retrouvent. Elle le convainc de mener une enquête personnelle en dehors de toute légalité.
Ce qu’ils vont approcher va les mener vers un maelström de violence, dans une voie sidérante, si dangereuse…
Franck Thilliez excelle dans les romans structurés autour de données scientifiques peu communes, des aspects de la biologie peu usuels, des rapports humains difficiles. Dans un contexte policier hors-normes, il évoque des liens avec un passé très ancien, passé qui risque de mettre en péril l’avenir de l’humanité.
C’est Sylvain Runberg qui s’attelle à l’adaptation, une tâche bien difficile car il doit ramener une roman dense, très structuré, très complet, en un scénario devant tenir sur moins de cent planches. Il lui faut conserver le sens du récit, la tension de l’histoire et l’intérêt pour toutes les données scientifiques complexes et avant-gardistes. Mais le scénariste a du talent et il réussit la gageure. Il propose un récit superbe, d’une belle intensité avec un découpage fort judicieux.
Cette histoire est mise en images par Luc Brahy qui assure un dessin à la fois très réaliste et synthétique, offrant une succession de portraits d’une belle élégance et des décors à l’avenant. S’il reste dans une mise en page assez classique avec des vignettes encadrées, il donne à celles-ci des cadrages qui donnent un récit dynamique.
La mise en couleurs se partage entre Hugo S. Facio et Greg Lofé qui utilisent essentiellement des teintes assez neutres, sans débauche de couleurs éclatantes et agressives. Ils respectent la luminosité d’un mois d’avril sous nos latitudes.
Gataca est un bel album qui, à partir d’un sujet peu banal, d’un scénario qui exploite au mieux les péripéties du roman, d’un graphisme attractif, offre un beau moment de lecture.
serge perraud
Sylvain Runberg (scénario d’après le roman au titre éponyme de Franck Thilliez), Luc Brahy (dessin), Hugo S. Facio et Greg Lofé (couleurs), Gataca, Éditions philéas, septembre 2021, 106 p. – 17,90 €.