Cet album clôt le diptyque qui conte l’histoire de ce roi d’Écosse dont la Grande Histoire n’a gardé que quelques traces, laissant se générer une belle suite de légendes.
Thomas Day s’appuie sur l’œuvre de Shakespeare tout en faisant une large place à d’autres récits qui donnent un plus grand rôle à Gruoch, Lady Macbeth. Il la présente comme une femme machiavélique qui assure son pouvoir sur le roi par sa sensualité, par son sens de la politique.
Alors que Macbeth s’inquiète pour son épouse qui n’est pas revenue, celle-ci, accompagnée par deux soldats, se rend dans un lieu à la réputation infernale. Au milieu de monolithes, elle demande à trois hommes de tuer l’homme, et sa famille, qui vit dans le château de Moray. Ils discutent le montant de la récompense. Lady Macbeth accepte de doubler la somme : “…pour une reine l’économie de quinze pièces d’or serait bien coûteuse mesquinerie.“
Trois semaines après, un homme annonce au roi l’assassinat de Cuilén, de sa femme et de son fils. Questionnée, elle explique que celui-ci devait disparaître car il connaissait des secrets comme l’initiateur de la mort de son premier mari. Surpris qu’elle connaisse la vérité, elle lui révèle avoir toujours su qu’il était responsable de sa mort car le sort de ce dernier était scellé quand il s’est vanté avoir tué le père de Macbeth.
Il entreprend alors, guidé, poussé par son épouse, une longue série de guerres, commençant par celui qui le traite d’usurpateur. Mais il est soumis à celle qui le tient par ses mensonges, par le sexe, celle qui peu à peu sombre dans la folie…
Le personnage à l’origine de ces légendes a réellement vécu au XIe siècle et a mené une vie remplie de meurtres, de traîtrises, de drames. Cependant, son règne aurait duré dix-sept ans, ce qui est remarquable dans le contexte où cette royauté s’est déroulée.
Le scénario fait ressortir cette violence, relate ces drames, cette suites d’assassinats, ce bain de sang qui finira par emporter la raison de Gruoch. L’auteur propose des textes très travaillés, exprimant avec maestria les sentiments exacerbés, la fureur qui habite cette femme et la façon dont elle mène le roi à accepter les décisions qu’elle prend.
Ces textes sont portés par les dessins en couleurs directes de Guillaume Sorel. Mais peut-on parler de dessins devant ces planches où un talent exceptionnel s’expose ? Celui-ci est, sans aucun doute, le plus grand illustrateur de bande dessinée. Il n’a pas son pareil pour proposer des paysages grandioses, des décors fabuleux, des personnages torturés des corps féminins d’une grande beauté.
Mais il sait aussi rendre le dynamisme des combats, la peur et la fureur des protagonistes. Il a une façon très personnelle de faire exprimer les sentiments, les émotions des créatures qu’il met en scène. Il joue avec la lumière de manière incomparable sur des mises en page ouvertes.
Un diptyque remarquable autour d’un couple devenu mythique, faisant ressentir toute la sauvagerie qui l’habitait.
Un graphisme d’exception donne une dimension exceptionnelle à ce récit.
serge perraud
Thomas Day (scénario) & Guillaume Sorel (dessin et couleurs), Macbeth, roi d’Écosse — Seconde partie : Le Livre des fantômes, Glénat, coll. “24x32”, septembre 2021, 56 p. — 16,00 €.