Quand une petite commune entre en ébullition
Chroniques villageoises dans le style du célébrissime Clochemerle de Gabriel Chevallier, ce roman décortique la vie d’une petite bourgade montagnarde et de ses habitants. L’arrivée d’un couple d’Anglais va mettre sens dessus-dessous une communauté qui va se scinder. Il y a ceux qui sont favorables à la réouverture d’une auberge tout en se frottant les mains de la déconfiture du maire et ceux qui vont soutenir ce dernier dans son complot pour bouter hors de France des représentants de la Perfide Albion.
“Vendu ? Comment ça, vendu ?” Cette exclamation prononcée par Josette provoque la stupéfaction de ceux qui l’entendent dans son épicerie-bistrot de Fogas. Cette révélation vient de Véronique, la receveuse des postes qui était à la mairie lorsque le maire a discuté de la promesse de vente signée avec le notaire. L’Auberge des deux Vallées aura de nouveaux propriétaires. Mais ce n’est pas le beau-frère de Serge Papon, le maire. Celui-ci est furieux car cela fait des mois qu’il chouchoutait Gérard Loubet pour lui faire accepter l’offre de son beau-frère, allant jusqu’à tirer un trait sur ses impôts locaux.
Serge Papon arrive au bistrot et convoque ses adjoints. Il faut établir un plan de riposte pour contrer cette catastrophe. Comment Lorna et Paul Webster, un couple d’Anglais, peuvent-ils tenir une auberge au cœur des Pyrénées ? Mais les surprises ne sont pas que du côté des habitants de la commune car…
Julia Chapman a tenu elle-même une auberge-restaurant en Ariège pendant six ans. Nul doute qu’elle puise dans son expérience et dans ses souvenirs pour construire cette chronique. Elle propose une galerie de personnages haute en couleur, décrivant avec beaucoup d’humour une belle panoplie de ces relations que l’on trouve dans un tel groupe.
Ce sont les oppositions entre certains locaux nés dans la commune et ceux qui, bien qu’ayant des liens très anciens avec les lieux sont considérés comme des étrangers. Ce sont les rapports sentimentaux qui se nouent, de façon légitime, ou de façon moins légitime. Ce sont des vielles rancœurs qui resurgissent. Et les esprits s’échauffent !
La romancière introduit nombre de réflexions cocasses, d’annotations pertinentes quant aux portraits qu’elle établit, aux situations qu’elle dépeint. Ainsi de la difficulté d’usage d’une langue étrangère : “Pourquoi avait-il été si difficile de construire de phrases toutes simples, des phrases qui ne leur auraient pas posé de problème dans leur cours de français à Manchester ?“
Elle traduit avec brio les émotions, place à point nommé des rebondissements et génère une tension autour de l’ouverture ou non de cette auberge devenue un enjeu crucial pour certains.
Julia Chapman propose, avec ce roman paru en langue anglaise en 2011, une lecture divertissante à souhait.
serge perraud
Julia Chapman, L’Auberge. Les Chroniques de Fogas, traduit de l’anglais par Dominique Haas et Stéphanie Leigniel, Robert Laffont, juillet 2021, 312 p. – 17,00 €.