Révision générale de la poésie
Dranty est un irrégulier de la poésie. Sa singularité se forge autant par son écriture que ses thèmes. L’auteur s’ennuie dans le réel qui le rebute.
Reste cet “Advers” comme évasion et décantation de toute sublimité ou supplications lamartiniennes (pour faire simple). Preuve que son lyrisme n’a rien de romantique.
L’écriture — du moins ce qu’il en reste — pend en plans “fanés”, “foutus”, “pourris” qui en créent tout le charme. Le rococo lui-même se métamorphose là où la possibilité des anges est remplacée par de l’organique.
Ce dernier ne pousse pas forcément aux bacchanales.
L’auteur trouve son juste tempo dans ce qui charpente démembrements et cassures par fractures mais aussi par une gymnastique altière. La possible muse elle-même n’est pas montée au pinacle même si, lorsqu’il est question de grimper au rideau, elle ne lui fait pas la courte-échelle. Tout est jubilatoire et ignore l’emphase.
D’autant que rien ne semble en phases. Dranty cultive l’écart et l’émeute verbale là où ses ateliers poétiques ne sont pas nationaux. Nulle complaisance au moindre suivisme. Le feu couve pour balancer aux toilettes sèches les “chieries imbitables” et autres “selles d’adieux”.
Cela ne manque pas de sel au moment où la chair prend des poses et des pauses imprévisibles. Si la poésie croît sur un “fumier pauvre”, la richesse verbale joue à fond. L’oeuvre secoue là où la raison n’est ni tutrice ni providence.
Il y a là une révision générale de la poésie. Ou le coup d’Etat de ses lieux.
La nature y devient seconde en livrant certains effluves plus que des parfums.
jean-paul gavard-perret
Billy Dranty, Advers suivi de Attract obstruct, éditions du Canoë, 2021, 176 p. — 16,00 €.