Un univers mental en effervescence
Si chez Novalis la poésie est née d’une circonstance (la mort de sa fiancée) , elle ne put se suffire de “chanter” ce seuil en lui prêtant un aspect arbitrairement poétique.
L’évènement est le choc initial qui aide le poète à prendre conscience de lui-même pour entamer d’autres cheminements plus larges.
Pour lui, la poésie ne peut pas rester circonstancielle. Elle doit écarter toute idée de limitation, absorber la réalité — dans laquelle il n’est rien de trivial et de démoniaque — et ne reposer que sur elle-même.
Bref, pour lui “réaliser la poésie est la rendre absolue”.
Composé autour de la question esthétique et des rapports entre poésie et philosophie, ce texte inédit en français constitue la carte d’un univers mental en effervescence, traversé de fulgurantes intuitions. En romantisant le monde, Novalis veut retrouver son sens originel.
Cette opération de transbordement était encore totalement inconnue : mais l’auteur l’entame.
Jaillit une forme de débauche spéculative. Si bien que la philosophie elle-même reste au niveau de pur jeu ou de servante muette de la poésie au moment même où elle se mettait à bâtir a via Hegel des systèmes et prétendait être une parole universelle.
Face à cette vue de l’esprit, Novalis réveille la poésie et l’affirme comme la seule réalité véritable.
Tel est donc le romantisme allemand : cette éclosion ici et maintenant.
jean-paul gavard-perret
Novalis, Le monde doit être romantisé, traduit de l’allemand et présenté par Olivier Schefer, Allia, Paris, 2021.