Sur la piste d’un tueur hors du commun
En août, à Bordeaux, Daniel Darret fait connaissance d’Élodie Lecomte dans des circonstances violentes. Sur les bords de la Garonne, elle était poursuivie par cinq voyous. Daniel intervient et la sauve au prix de quelques blessures.
En août, à Bellville, en Afrique du Sud, les capitaines Benny Griessel et Vaughn Cupido, du groupe criminalité violente plus connu sous le nom des Hawks (les Faucons), se voient confier l’enquête sur un crime déconcertant. Un ancien policier, reconverti dans la protection personnelle, a été jeté du Rovos, le train le plus luxueux du monde entre Le Cap et Prétoria. Le meurtre a été perpétré il a plus de huit jours et les indices, la scène de crime, ont été salopés par des enquêteurs novices.
À Bordeaux, Daniel, un ancien combattant de la branche armée de l’ANC (African National Congress), s’est construit une nouvelle vie. Il revoit Mme Leconte. Mais un ancien camarade vient lui demander de reprendre du service pour une ultime mission.
En Afrique du Sud, les deux policiers se heurtent à nombre de difficultés pour mener leur enquête allant jusqu’à la leur retirer car en haut lieu on veut affermir l’idée d’un malheureux accident et clore l’affaire.
Et Daniel, rattrapé par son passé, se retrouve la cible des Services secrets russes et sud-africains quand on lui demande de tuer…
Le roman est construit avec deux parcours, celui de Daniel, essentiellement, en France, celui des deux policiers en Afrique du Sud. Des liens tenus semblent exister mais… Le romancier donne une connotation politique très forte et décrit une situation économique et sociale alarmante en Afrique du Sud, son pays. Sans jamais citer le nom d’un ancien président, il brosse un tableau de son gouvernement sur le période 2009–2018.
Entre captation de l’État, corruption dévastant l’héritage Mandela, il raconte le système mafieux mis en place qui a ruiné le pays. C’est le racket, le blanchiment d’argent, les dessous-de-table, l’infiltration à tous les niveaux pour détourner les fonds et protéger les malversations, avec des Russes en embuscade. Ce volet politique, présent tout au long de l’histoire, donne beaucoup d’intérêt à l’intrigue.
Deon Meyer détaille ses personnages, approfondit leur profil, leur caractère au fil du récit et donne une vision très claire, très nette des rouages de l’intrigue. Il sait rendre humains les protagonistes avec leur force, comme leur soif de justice, mais aussi leur faiblesse. L’un des Hawks est un ancien alcoolique qui fréquente une femme elle-même revenant de loin. Tout au long du roman, celui-ci revient sur la meilleure façon de lui demander de l’épouser. Sa peur qu’elle refuse est si forte qu’il veut mettre toutes les chances de son côté.
L’auteur donne des détails très précis dans tous les domaines qu’il aborde dans son récit. Cela va du dossier relatif aux affaires que tiennent les policiers, aux structures organisationnelles, la composition du train… Il dépeint des actes simples, quotidiens, comme le travail de Daniel en tant qu’ébéniste.
Mais il travaille avec minutie, avec un souci constant de vérité. Dans ses remerciements, il évoque des policiers bordelais, des amis qui habitent la ville et qui ont mis une chaise très confortable à sa disposition pour écrire. Il a pris conseil auprès de Dominique de Villepin pour des analyses en matière de politique internationale.
Avec un art consommé du récit, avec une précision remarquable dans la construction de son intrigue, Deon Meyer donne une histoire riche en péripéties. Il relance adroitement la tension dans les deux parcours jusqu’à une conclusion paroxystique et une relation bien inattendue.
serge perraud
Deon Meyer, La proie (Prooi), traduit de l’afrikaans par Georges Lory, Folio Policier n° 939, août 2021, 576 p. – 9,20 €.