Y–a-t-il un prix à payer pour chaque avancée technologique ?
La téléportation, le déplacement instantané quelle que soit la distance, est devenu une réalité. Cependant, ce moyen nécessite des moyens colossaux, une énergie que seule une gigantesque entreprise peut gérer. C’est le rôle de la C.T.G., la Compagnie de Téléportation Galactique. Ce gafam d’un type nouveau impose ses règles, celle en particulier qui impose au voyageur de revenir, de ne pas user de cette technologie pour disparaître.
Certains l’ont tenté. Aussi, la C.T.G. a crée un corps d’élite chargé de traquer et de ramener les fuyards. Parmi ces enquêteurs, Lubia Thorel est la meilleure mais la plus indépendante. Elle a reçu pour mission, dans l’album précédent, de traquer cinq fugitifs et s’est retrouvée accompagnée d’un auditeur chargé d’évaluer ses méthodes. Mais, avec Lubia…
Celle-ci se réveille sur un lit d’hôpital après un cauchemar où, petite fille, elle assiste à la disparition d’une planète. Elle a reçu un choc terrible lors de la conclusion du tome précédent, mais ses traumatismes sont supprimés, ses fractures et organes écrasés sont remis en état. Au pied du lit, elle découvre Pelar, son directeur. Il est venu s’enquérir de sa santé, dit-il, et lui annonce que sa mission est terminée, qu’elle va être rapatriée.
Elle est très surprise qu’il se soit déplacé pour cela. Alors qu’il veut la ramener au Central, elle feint un malaise et demande à se reposer encore quelques heures. Sitôt Pelar parti, elle s’empresse de retrouver Anarch’on, soigné dans un autre établissement, en chamboulant tout sur son passage. Poursuivis, ils sautent par une fenêtre sur la voiture de police empruntée par Lubia et se retrouve au cœur d’une émeute. Au bureau de la C.T.G., elle convainc l’employé de lui fournir les noms de ceux qui se sont fait téléporter juste après l’explosion qui a failli les tuer. Et, en toute illégalité, Lubia entraîne celui qui est devenu son équipier dans des investigations qui vont mettre à jour des vérités terribles…
Pour cette série, Dominique Latil met en scène une jeune femme très intrépide et très indépendante qui mène ses enquêtes à sa façon. “…nous sommes des bureaucrates ou des aventuriers ?” demande-t-elle, à un sous-fifre. Une intrigue riche en rebondissements, fourmillante, mêlant nombre d’actions à des indications et des données qui ouvrent sur des dimensions encore inconnues.
Le scénariste, avec le monopole absolu qu’il donne à la C.T.G. ne préfigure-t-il pas ce qui arrive à grands pas avec les pouvoirs de plus en plus étendus que s’attribuent les Google et compagnie ?
L’humour est très présent, avec des réflexions qui interpellent, qui font sourire par leur décalage.
Le graphisme est assuré par Romain Sordet qui donne libre cours au dynamisme, à l’énergie pour développer des scènes d’actions, des explosions, des batailles. Il attribue aussi une belle silhouette à ses protagonistes et une capacité remarquable à exprimer leurs sentiments et leurs émotions. Il a le goût qui détail qui fait vrai comme, par exemple, le vêtement de Lubia quand elle est sur son lit d’hôpital. Tous ceux qui ont fréquenté de genre d’établissement sauront de quoi il s’agit et connaissent les incidences induites par son port. Les décors sont attractifs et les extraterrestres de belle composition.
Un diptyque passionnant, tonique, au ton allègre, dans lequel l’auteur glisse quelques interrogations peu réjouissantes. Il clôt son récit avec une belle ouverture pour une suite des aventures de ce beau duo de héros.
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serge perraud
Dominique Latil (scénario), Romain Sordet (dessins) & Aurélie F. Kaori (couleurs), Téléportation Inc. – t.02 : La vie galactique, Bamboo, label “Drakoo”, septembre 2021, 48 p. – 14,50 €.