Renaissance est le nom de code de la gigantesque opération menée par une fédération de civilisations extraterrestres pour sauver la Terre et les humains. Il y a maintenant vingt ans que ces populations venues d’ailleurs font le maximum pour remettre la planète en état.
En 2104, Hélène est heureuse de voir son fils, Jules, retenu pour le saut primal, le premier saut humain vers d’autres terres. Parallèlement, elle écoute un commentateur d’une radio pirate qui dresse un bilan peu élogieux des vingt ans de l’opération.
Sätie, arrivée de la planète Näkän comme simple médecin, occupe un poste important dans la coordination médicale mondiale. Elle est sur Australis, une des plus ambitieuses réalisations symbolisant le travail en commun entre Terriens et Aliens. Pendant qu’elle donne une conférence relative à des questions d’éthiques autour des hybrides, un sous-marin de guerre terrien lâche des torpilles sur l’ensemble. L’attentat est si meurtrier qu’il amène des responsables extraterrestres à s’interroger sur la poursuite de l’opération.
Une frange extrémiste, portant le nom de Sui Juris, veut leur départ.
Swänn, le compagnon de Sätie, en arrivant il y a vingt ans, a été proche de Liz Hamilton, une ingénieure qui vit dans une zone où Renaissance s’est engagée à ne pas interférer.
Hélène retrouve un Algo capturé. Celui-ci bien, que meurtrier, veut cesser de se cacher. Il a quelque chose à donner en échange de son amnistie. Il peut prouver l’existence d’Hybrides…
Mais comment ce sous-marin a-t-il pu tromper tous les systèmes d’alerte…
Avec cette série, Fred Duval utilise la science-fiction pour poser des questions très actuelles, brûlantes. Il a déjà décrit ce que va devenir la planète et propose une suite de réflexions sur l’intervention de nations étrangères dans un pays même avec les meilleures intentions du monde. Il y a toujours un moment où une frange privée du pouvoir veut le reprendre, se moquant bien des conséquences sur les populations.
Les manipulations génétiques entre races, même si elles sont rendues possibles par la technologie, sont-elles admissibles ? Mais, il intègre des données qui structurent une belle intrigue comme, par exemple, les moyens de réalisation de l’attentat. Le choix du titre de l’album n’est pas innocent et ouvre des perspectives passionnantes.
Dans un souci d’exhaustivité, il présente tous les points de vue, argumentant chacun d’eux, laissant aux lecteurs le choix de leur opinion. Parallèlement, il éveille quelques touches étranges et installe des intrigues secondaires de plus bel intérêt.
Il met en place, avec finesse des éléments qui vont nourrir la suite, terminant sur une conclusion pleine d’interrogations et truffe son récit de questionnements sociétaux, comme par exemple, la restitution du Colosse de Rhodes sauvé avant le tremblement de terre. Où se situent les limites entre prélever, sauver, piller en apportant un soutien, en utilisant les ressources locales ?
Si le design est l’œuvre de Fred Blanchard, le dessin et la mise en couleurs doivent tout à la patte d’Emem. Celui-ci fait preuve d’une inventivité graphique remarquable pour donner une telle diversité de personnages aliens, de décors futuristes, d’appareils et de constructions aux perspectives singulières. Il réussit le tour de force de garder l’identification de chaque protagoniste étranger quelle que soit la situation.
Ce nouveau tome, qui ouvre un second cycle se révèle d’une inventivité et d’une richesse peu communes dans les thèmes abordés, servies par un graphisme de toute beauté. Il ne faut pas trop s’attacher ici à l’aspect science-fiction, même si celui-ci est un vecteur important, car les problèmes traités sont très actuels.
serge perraud
Fred Duval (scénario), Emem (dessin et couleur) & Fred Blanchard (Design), Renaissance – t.04 : Sui Juris, Dargaud, septembre 2021, 56 p. – 14, 50 €.