Dans cette histoire, on retrouve Joséfa Casarès, l’héroïne de nombre des romans de l’auteur. C’est une femme forte, dans tous les sens du terme, qui vit au cœur du Cantal.
Avec ce roman, l’auteure souhaite en effet saluer et rendre un hommage à une industrie particulière de cette région , la fabrication de parapluies, aux entreprises qui ont concouru à la célébrité d’Aurillac.
Elle met en scène une famille aux caractères façonnés par une femme, une mère autoritaire, dictatoriale, attitude qui lui vaut le surnom de La Bramade en référence au brame tonitruant des cerfs. C’est la rigueur, le déni de l’amour tant filial que maternel, tant physique que passionnel.
C’est le contrôle des émotions dans le seul but de la réussite professionnelle, la place de l’entreprise. “À force d’être soumis, brimés, manipulés, ils en avaient perdu le goût de l’humain.”
Nina, sa nièce, est venue se réfugier chez elle avec ses jumeaux de quatre ans. Le géniteur, Jacky, un homme ayant quinze ans de plus qu’elle, a toujours refusé d’en reconnaître la paternité. Mais, il y a six mois, il est arrivé chez Nina, hagard, lui révélant des choses terribles, lui jurant être innocent, victime d’une machination. Il était le principal suspect dans la mort d’Hélène Vitarelle, une magnat de l’industrie du parapluie, une femme d’affaires exceptionnelle. Elle était sa belle-mère, son employeur… et sa maîtresse. Il se pend en prison pendant sa détention provisoire. Cet acte le désigne comme coupable.
Nina, bien que convaincue du contraire, est rongée par le doute. Le père de ses enfants est-il un assassin ? Joséfa décide de l’aider et se fait embaucher par la famille pour être sur place et mener son enquête. Elle use, pour cela, de liens privilégiés avec une proche d’eux. Mais ce qu’elle va découvrir…
Le récit passe d’un personnage à un autre, faisant pour chacun l’état des interactions avec le reste des protagonistes. C’est la découverte des sentiments qui les animent, des motivations qui les guident, qui les poussent à des décisions si tranchées dont le seul but reste la prise du pouvoir, l’exercice de celui-ci sur les choses, sur les gens, sur les événements. Le besoin de richesse va de pair.
La description des aspects techniques, de la fabrication des parapluies est donnée sans trop entrer dans les détails purement technologiques, évoquant plus le fonctionnement d’une entreprise, les rapports à la concurrence, le besoin permanent d’innovation.
Joséfa se révèle une héroïne particulièrement attachante pour son caractère entier, son humanisme, sa soif de vivre, son goût pour la nature, son attachement à une vie simple dans une belle zone rurale. Avec elle, la romancière porte un regard aigu sur nombre de domaines qui relèvent de la vie quotidienne. Elle évoque, par exemple, les rapports qui doivent exister entre employés et employeurs, cette tendance à surbooker les emplois de temps des enfants, les privant de toute liberté pour imaginer des jeux.
Elle décrit avec passion le décor où se déroule l’intrigue, le travail de la terre, le plaisir du jardin, de contempler la nature. Elle excelle à construire des personnages complets, à en détailler les composantes tant psychiques que physiques. Et, bien sûr, quelques volets sentimentaux pimentent le récit.
Sylvie Baron rend un bel hommage à Conan Doyle, à ce maître d’énigmes, avec une intrigue retorse à souhait, mise en scène avec brio, démontée avec autant de maestria par une héroïne si perspicace.
serge perraud
Sylvie Baron, Le parapluie de la discorde, J’Ai lu n° 13 307, septembre 2021, 384 p.