A force de poussées nébuleuses, poètes et artistes croient atteindre un ciel rêvé. Ils oublient la butée où tout finit par arriver.
Néanmoins, tout en refusant des aspects purement cliniques, Meier s’élève en faux face à ce qu’oublient les primesautiers.
Les regroupements de signes verbaux ou graphiques ne se veulent donc pas symptômes mais les rappels chez les uns et les autres — morts ou vivants — de leur brièveté et de certains de leurs fragments, au moment où “la valise est déjà prête” non pour un voyage touristique mais vers un lieu qui ne laisse dans le nôtre qu’un banc vide.
Peu importe l’aplomb devient la plus profonde prise de conscience du temps. Sans romantisme ou forfanterie mais où les dessins suppléent les mots pour indiquer ce qui reste : un croire voire qui se transforme en un entrevoir d’avant la fugue — si nous pouvons l’appeler ainsi.
C’est d’ailleurs ce qui donne aux oeuvres de Meier leur profondeur esthétique et existentielle. Il n’y a jamais rien de trop. L’artiste revient à des dessins qui rejoignent ceux de la prime enfance.
Echappant à la maîtrise, il renoue avec les racines de l’être par celles de l’amour qui traverse avec ou sans aplomb (exit les postures) un livre qu’une Charlotte célèbre aurait pu corder…
Meier y dessine un poisson. Il danse parce que ses lignes frétillent avant que deux visiteurs du soir traversent une page. Sur une autre se retrouve un thème cher à l’auteur : le gant.
Mais ici, il ressemble au marteau sans tête dont le manche est perdu : il n’a plus de main.
Néanmoins, le long du temps du livre chaque moment veut la lumière. La seule opacité est celle de l’effacement progressif là où toutefois l’amour garde un mot à dire tandis que la créateur — retrouvant la main — la laisse divaguer. La page rejoint le pariétal donc l’origine du monde. L’art lui accorde des images en un dialogue ou plutôt un soliloque — car l’un parle, l’autre écoute.
L’entretien se voudrait infini comme le souhaitait Blanchot. Meier, pour le signifier, se glisse dans quelques mots de Charlotte Corday et sa génésie de la passion.
Ici, elle ne tue pas. Pas plus qu’un certain désir.
Son injonction emporte. Encore. Un peu.
jean-paul gavard-perret
Richard Meier, peu importe l’aplomb, Voix Editions — Richard Meier, Elne, 2021.
Ce croire voir s’aiguise tous les jours repris par lectures, interrogations et amour des mots. Jean Paul, tu es un unique lecteur — unique parce que je pense d’abord à toi. Merci… Charlotte … “ne tue pas, la lettre et sa génésie de la passion” Merci JPGP osé nominativement de ma part
Merci à Richard pour son magnifique travail, pas besoin de fil à plomb pour être d’équerre, extra. L’espace de ses livres est immense et toujours réinventé. Merci pour vos mots qui donnent envie de les prendre en main.
Amitié à tous deux.
Hélène