Une solide histoire dans l’Histoire
Ce roman s’inscrit dans la série Frère Athelstan qui met en scène ce dominicain au service de Sir John Cranston, coroner principal de la cité de Londres.
Cette série, commencée en 1991, compte vingt tomes avec le présent titre.
Dans la paroisse de St Erconwald, à Southwark, en ce mois d’avril 1360, Adèle Puddlicot comprend que ce qu’elle faisait pendant la Grande Peste avec les cadavres est révolu. Cet attrait pour prélever les peaux des défunts lui est venu lorsqu’en enfant, elle a dû assister au supplice de son père. Elle est dénoncée par le Garçon qu’elle appelle son fils. Condamnée à être enterrée vivre, il assiste au supplice.
En juin 1381, éclate la Grande Révolte avec le saccage du palais de Jean de Gand, régent autoproclamé de Richard II, son neveu âgé de dix ans. Deux hommes sortent un coffre bien dissimulé de ce qui reste du palais, mais ils se font dépouiller de leur rapine par un autre gredin masqué. Celui-ci, après bien des efforts, enterre ce coffre dans le cimetière de St Erconwald sans remarquer qu’on épie ses mouvements.
C’est dans l’abbaye de Westminster, en novembre 1381, que le sous-sacristain meurt empoisonné.
Frère Athelstan, devenu curé de la paroisse de St Erconwald, considère ce sacerdoce comme le prix à payer pour ses péchés de jeunesse. Il attend la visite de Sir John. Celui-ci vient le voir pour ce criminel qui écorche des prostituées. Dix cadavres ont déjà été trouvés. Mais Sir John arrive en compagnie de Frère Sinclair de l’abbaye de Melrose, en Écosse. Celui-ci est là pour traiter avec le roi.
Les événements s’accélèrent et deviennent vite dramatiques car…
Plusieurs énigmes s’articulent autour de celle du criminel. Le romancier fait intervenir nombre de faits politiques, conséquences, entre autres, de la guerre terrible menée en 1296 par Edouard Ier en Écosse. Celle-ci s’est soldée par des massacres, des pillages de trésors, la captation de symboles royaux pour asservir ce peuple résistant à toutes les invasions. Le pillage de trésors, spécialité anglaise, continuait !
Le romancier promène son héros de sa paroisse à l’abbaye de Westminster, de rencontres avec ses paroissiens à une galerie de personnages hauts en couleurs. L’auteur appuie une partie de son intrigue et des péripéties sur la pierre du Destin ou pierre de Scone, un des plus importants emblèmes nationaux d’Écosse. Cette pierre, à l’origine incertaine, donne lieu à de multiples légendes telle celle où elle aurait servi d’oreiller à Jacob, la nuit où il a rêvé de sa fameuse échelle. Cette pierre fut placée sous la King Edward’s Chair sur laquelle les souverains anglais s’asseyaient, symbolisant ainsi leur domination sur l’Écosse.
Les écorcheurs étaient nombreux, surtout dans les compagnies de mercenaires réputées pour leur cruauté et recrutées par les seigneurs anglais pour faire la guerre. Le récit est détaillé, précis, riche en informations de toutes natures allant de la vie quotidienne aux politiques royales, de l’art de l’empoisonnement au fonctionnement des abbayes, des dogmes religieux aux trafics et achats de reliques.
Il dépeint Londres et les conditions de vie des populations misérables et donne une vision explicite de faits historiques à cette époque.
Avec ce nouvel épisode des enquêtes de Frère Athelstan, Paul Doherty signe une belle intrigue retorse à souhait dans un cadre historique passionnant à découvrir.
serge perraud
Paul Doherty, L’Écorcheur de Londres (The Stone of Destiny), traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Elisabeth Kern, Éditions 10/18, coll. “Grands Détectives” n° 5677, juillet 2021, 360 p. - 8, 40 €.