La société milanaise vue sans complaisance mais avec humour
Alessandro Robecchi revient avec une nouvelle enquête de Carlo Monterossi, un personnage rencontré dans Ceci n’est pas une chanson d’amour (l’aube – 2020, Mikrós noir – 2021).
Il est auteur de télé, de Crazy Love, une émission de télé-réalité qui cartonne en prime time.
Andrea Serini apprécie le rituel de la fermeture du soir de son hall d’exposition de voitures de luxe. Ce soir-là, une ombre se présente qui vient chercher le trésor qu’avait Angela. Celle-ci a disparu. Andrea sait ce qu’elle est devenue. Sous la menace, il lâche un nouveau nom avant d’être abattu.
La scène est vue par un moine qui se désespère d’avoir aussi froid aux pieds. Il interpelle le tueur et veut sortir le Beretta placé sous sa bure. Il finit assommé sur le trottoir.
Carlo Monterossi, qui voudrait passer à autre chose, déjeune avec son agente. Elle l’oblige à ne pas arrêter son émission avant de proposer une nouvelle idée aussi géniale pour faire autant d’argent.
Le lendemain, après un dîner surréaliste avec le grand ponte de la télévision, Carlo va au bar du restaurant avant de rentrer. Il est rejoint par une jolie femme. Ils bavardent et elle l’invite dans son cabinet, tout près. Carlo refuse ses services d’Escort mais ils échangent des confidences, celle-ci lui révélant sa peur… un vrai mort qui veut son trésor… et elle s’endort. Carlo s’en va, tirant la porte derrière lui.
Un policier appelle Carlo car il est la dernière personne à avoir été en contact avec Anna Galinda, retrouvée morte après avoir été salement torturée. Carlo devient fou de rage, se culpabilisant. Pourquoi ne pas l’avoir réveillée afin qu’elle ferme derrière lui. L’assassin n’aurait pu rentrer…
Il décide de mettre tout en œuvre pour retrouver ce tueur en faisant appel à tous ses réseaux…
Ce détective amateur, d’abord auteur et homme de télévision, connaît presque tout de la ville de Milan et de ses différentes couches sociales. À l’instar de son créateur, il a ses entrées dans tous les milieux, milieux décrits avec un réalisme confondant, sans fards ni concessions. Il dépeint avec la même véracité la pègre, les classes dirigeantes de tous bords, le commun des mortels.
C’est ainsi que défile une belle galerie de protagonistes truculents, des individus des deux sexes dotés de profils psychologiques approfondis, de caractères finement étudiés.
Le romancier use de l’humour, de beaucoup d’humour que ce soit dans les réflexions du héros, de ses comparses, dans les dialogues que dans les situations. Il passe allègrement de plaisanteries bon enfant à des descriptions où perce un humour noir, pimenté de cruauté, de cynisme, mais illustrant si bien l’objet de ses moqueries. Par exemple, il propose sa vision de la télévision : “C’est la télé, Carlo, ce n’est pas la vraie vie, c’est un truc avec des lumières au fond, du plastique bleu ciel et des pantins qui s’agitent pour d’autres pantins assis sur leur canapé à la maison…“
Il n’hésite pas à donner dans la démesure pour le choix des images et des comparaisons, à user d’allégories excessives, presque outrancières, qui interpellent et retiennent l’attention.
Mais, il concocte une intrigue captivante. Le romancier utilise des faits, des indices, des éléments judicieusement choisis, mis en scène avec précision. Les péripéties comme les fausses-pistes ne manquent pas et donnent lieu à des rebondissements tant dans le récit que dans la venue de nouveaux protagonistes.
Si l’intrigue est attractive, elle est merveilleusement servie par la verve de l’auteur et un art du récit qui emportent l’adhésion.
serge perraud
Alessandro Robecchi, De rage et de vent (Di rabbia e di vento), traduit de l’italien par Paolo Bellomo avec le concours d’Agathe Lauriot dit Prévost, éditions de l’aube, coll. “Noire”, septembre 2021, 400 p. – 21,90 €.