Elizabeth Prouvost & Jean-Bernard Pouy, Chassé-croisé

Ravir l’oeil autant que l’intellect

Eliza­beth Prou­vost, pour la construc­tion de ce livre, a pro­posé une photo à l’écrivain Jean-Bernard Pouy. Il eut le droit de la regar­der une tren­taine de secondes, pas davan­tage.
Après, il la cacha pour écrire le texte qui lui  vint à l’esprit pen­dant son obser­va­tion. Ce va-et-vient s’est effec­tué 46 fois en hom­mage à l’année de nais­sance des deux protagonistes.

Des images volon­tai­re­ment et super­be­ment flou­tées, l’auteur tire des his­toires en dévers puisque des plus pré­cises. Dans les deux cas, l’imaginaire fait force de loi.
L’un écrit parce que l’autre vient de mon­trer en des espaces dis­pa­rates. Le tout ravit l’oeil autant que l’intellect.

Par chaque pho­to­gra­phie d’Elizabeth Prou­vost, Jean-Bernard Pouy rêve encore mais il a su rete­nir ce qui chez lui et à tra­vers de telles “remises” fait que “le hublot de la machine à laver est devenu plus pas­sion­nant que l’étrange lucarne.” et ce, même si le titre du livre entend refu­ser toute sorte de contex­tua­li­sa­tion ou de repor­tage de référence

L’écri­vain assiste à de fas­ci­nants alu­nis­sages d’où remonte la mémoire grâce aux vignettes d’un tel théâtre “éli­za­bé­thain”…
Des images de film (Godard, Abel Fer­rara), de peintres (Char­din) ou de jeux d’enfance, de fête foraine ou de sa pater­nité font que, pour l’auteur, face à elles rien n’a de fin.

Le tout en se sou­ve­nant que “la pre­mière fois que j’ai regardé une pho­to­gra­phie d’Elizabeth, je me suis dit que le mot flou était à rap­pro­cher du mot fou.” C’est pour­quoi les strates des sou­ve­nirs épars-disjoints se res­semblent tou­jours en zones innom­brables où tout se remonte comme avec le “Mecano numéro sept ou huit, avec lequel on pou­vait faire des grues, ins­tal­ler des pou­lies et action­ner , un petit moteur”

Si bien que les images font l’essentiel. De leur cris­tal en vagues impres­sion­nistes remontent des gares que le père de l’auteur appre­nait à appri­voi­ser, il en va de même avec les vaches de Lacan et de Goya.
C’est dire où la pho­to­gra­phie peut mener dans son opi­niâtre crois­sance et son fabu­leux miroir en ce qui devient le plus juste retour des choses. Ou leur retournement.

jean-paul gavard-perret

Eli­za­beth Prou­vost & Jean-Bernard Pouy, Chassé-croisé, Douro, coll. Bleu Tur­quin, Paris, 2021 — 19,00 €.

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Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

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