Les photos de Léa Kloos reviennent à vivre plusieurs vies à la foi. La créatrice les tisse. Elle sait dépasser les lignes d’ombres pour donner de la chair au ventre et des équateurs à ses modèles en des accord tacites.
Par un tel regard tactile, le toucher est lueur. Même assis les corps circulent. Ils ont besoin de place.
Lors des prises, des jambes se croisent et se décroisent. Dansent parfois une “serenata negra”. Parfois, elles restent statiques.
Une femme plus mutine que les autres semble dire : « si tu ne me trouves pas, je suis cachée dans le jardin”.
Il suffit d’un acquiescement insolite et le monde s’éclaircit. Par tous les angles, l’artiste en apprivoise la surface.
L’image retient, disperse en poussière narrative.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
De vivre mes passions.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils ont été réalisés ou sont sur le point de l’être.
A quoi avez-vous renoncé ?
A être comprise de tous.
D’où venez-vous ?
Je suis née au Tessin, j’ai grandi à Genève. J’ai des origines hollandaises et italiennes.
Qu’avez-vous reçu en “héritage” ?
Mes valeurs, l’envie de me battre pour ce qui compte, la certitude que tout est possible à qui a la foi.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Ma liberté aujourd’hui.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres photographes ?
A vous de me le dire
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La fresque de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine.
Et votre première lecture ?
“L’Iliade et L’Odyssée.”
Quelles musiques écoutez-vous ?
Tous les genres. En ce moment, j’aime l’album Colors de Black Pumas.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Les livres d’Albert Camus.
Quel film vous fait pleurer ?
“La liste de Schindler” de Spielberg.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Celle que j’espérais devenir.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Personne.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Hawaï, pour sa nature et sa puissance spirituelle.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Basquiat, Leonard Cohen, Rilke, Avedon, Peter Lindbergh, et tant d’autres pour leur quête de vérité, leur façon de célébrer la beauté, leurs passions, leurs révoltes, le courage, l’humilité.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Rien, mais le fêter avec ceux que j’aime.
Que défendez-vous ?
La justice et la liberté. A tout prix.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Elle ne me parle pas. J’aime celle d’Einstein: “L’amour est la seule et la dernière réponse.”
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Justement, quelle était la question ?
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
D’où provient la force qui m’a permis d’être celle que je suis aujourd’hui.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 17 septembre 2021.