A toutes les victimes de la haine raciale
Louis-Philippe Dalembert a commencé ce vaste roman juste après la mort de George Floyd, en mai 2020. Son personnage porte le prénom d’Emmett Till, un adolescent assassiné par des racistes dans le Sud en 1955.
A travers lui l’auteur rend hommage à toutes les victimes de la haine raciale.
Le titre du livre, Milwaukee Blues, est celui d’une chanson qui date du début du XXe siècle, reprise par de nombreux artistes depuis. Elle y raconte le spleen de personnages qui désirent rentrer chez eux. Et Milwaukee, c’est aussi le nom de la ville où se déroule l’histoire.
Emmett, jeune homme noir de la ville, est tué par un policier blanc lors de son interpellation. Une vidéo du meurtre est prise par les passants, vidéo qui va être diffusée à l’échelle planétaire.
L’auteur de Port au Prince montre comment derrière l’icone martyr internationale se cache un jeune homme tout à fait ordinaire qui se dessine à travers différentes voix dont celle qui évoque le commerçant lors de sa mort : “Jamais il n’aurait dû appeler la police pour le billet de banque suspect que lui a tendu dans la pénombre un type grand et baraqué pour régler son paquet de cigarettes. S’il avait pris le temps de réfléchir, et s’il avait reconnu l’ancienne gloire locale du football américain, il se serait évidemment abstenu. La règle, quand on est musulman, et pas dupe de ce qui se passe entre la police et les noirs, c’est plutôt de ne pas s’attirer d’ennuis.”
Peu à peu le choeur des témoins se gonfle pour saisir le coeur des lecteurs. Il y a par exemple l’ancienne institutrice. Saisie par le décès d’une nouvelle victime de la violence policière, elle reconnaît le gamin qu’elle avait pris sous sa protection ou aile dans une école du ghetto noir.
Quant à Authie, l’amie d’enfance d’Emmett, elle se demande a quoi ont servi les luttes des années 60 et 70.
La puissance de ce roman attachant tient à la manière d’écrire et de décrire une trajectoire aussi dérisoire qu’exceptionnelle eu égard à la mort terrifiante du héros. Quoique fictif, il ressemble à beaucoup de ses frères de couleur.
Il revit ici à travers détails et anecdotes de son quotidien ainsi que par les témoignages d’amour et d’affection qu’il a suscité de son vivant.
lire un extrait
jean-paul gavard-perret
Louis-Philippe Dalembert, Milwaukee Blues, Sabine Wespieser éditions, Paris, 2021, 288 p. — 21,00 €.