L’obscur et la clarté
A l’origine de Présences, il y a le point de départ suivant : “Je me trouvais au bord de la mer quand cette histoire a commencé, là où l’eau effleure la terre. Ce jour-là, mon regard a plongé sur des pierres qui, de vagues en vagues, avaient parcouru un long voyage. J’ai toujours pensé que la pierre porte en elle notre mémoire, une trace de l’existence et qu’elle cherche à l’exprimer.”
L’artiste a ramassé ce que la mer faisait jaillir sous formes de minéraux communs et les a emportés chez elle au milieu de ses effets personnels. En les étudiant de près dans son atelier laboratoire, une méditation a commencé pour elle sur le sentiment d’éternité.
Est apparue une sorte de cosmographie et une métamorphose : y surgissent fille aux fleurs, fille au vent.
Cette série fut montrée dans un ensemble plus large de janvier à octobre 2020 au Musée royal de Mariemont (Hainaut, Belgique) : “Bye Bye Future !”.
Une telle présence — dans cette carte blanche donnée à l’espace et du temps au sein des utopies, dystopies, uchronies, — interroge subtilement. La poésie visuelle de l’artiste crée un questionnement particulier d’autant que de telles pierres côtoyaient entre autres le mobilier funéraire de la tombe d’un pharaon là où se mêlaient des œuvres de toutes disciplines : sculptures, photographies, vidéos, installations, manuscrits, arts numériques, jeux vidéo, robots.
La jeune créatrice montre par ses images que tout est en tout en divers types d’interdépendances. Celle qui est fascinée par le monde de la forêt retrouve ici la puissance des formes organiques en écho à ce que Hundertwasser inventa entre autres avec ses “Maisons aux prairies hautes”. Comme lui, Linda Tuloup invente des présences.
Tirées des flots et montant en une voûte céleste noir et sa poussière d’étoile, des “sirènes” subsument son voyage vers la mer. Les pierres les plus humbles longuement caressées donnent existence à des corps, visages selon un principe pariétal, enfantin donc premier propre à créer une ascension cosmographique particulière.
Dans un jeu du proche et du lointain géographique et temporel, les oeuvres produisent des visions fluides, mouvantes et insaisissables dans leur éloignement.
Ou encore des images inachevées et infinies où l’élévation à l’état de mystère n’est plus une illusion parce que l’invisible adhère au visible.
jean-paul gavard-perret
Linda Tuloup, Présences, Galerie Olivier Waltman, du 9 au 12 septembre, Art Paris, Grand Palais Ephémère.