La reconstruction du temps que propose ici Xavier Bazot est fait de coupes sombres à des intervalles aléatoires et sans souci chronologique d’une vingtaine d’années de la vie de famille de l’auteur de sa compagne Mina, de ses filles stendhaliennes Armance et Lamiel, dans un appartement d’un vieil immeuble parisien quasi abandonné.
La venue au monde de l’aînée donne le point de départ et un déménagement forcé amène la fin.
Entre ces deux pôles et au détour d’un des instantanés qui composent ce livre, l’auteur dépeint la vie de pauvreté financière d’un écrivain mais qui lui permet d’enrichir sa vie sans rien manquer les années trop vites passées d’enfance de ses deux filles. Le livre tire sa force moins de sa matière que la façon dont elle est agencée en une écriture dense et en circularités subtiles pour créer à travers le disparate des temps une cohérence parfaite entre ce qui se dilue et ce qui tient.
Xavier Bazot aura su préserver les curiosités du devenir de ses filles, écorner certaines normes du fonctionnement familial, conjugal, amical et social et souligner certaines inconstances.
Inventés ou vécus, de tels souvenirs plus ou moins brouillés sont métamorphosés par une écriture toute en finesse et en précision. Le langage permet la synthèse de “scènes de la vie conjugale, tableaux parisiens, apophtegmes, anecdotes, historiettes, récits de rêves, dits d’enfants, autoportraits en écrivain”. Le tout non sans un certain humour et une distance suffisante pour extraire tout ce qui s’écrit de la simple anecdote.
Et ce, de la part d’un amoureux et d’un père “capable de véritables élans du cœur” envers les siens comme “envers des personnes que je ne connais pas, avec lesquelles je vis dans une authentique fraternité, dont je me sens l’exact contemporain, tels Osamu Dazai, Jean Rhys, Robert Walser”.
Sans débordements, l’auteur propose à sa manière un récit d’initiation au sein d’une telle rêverie autobiographique.
Elle sert de ferment à une composition où l’immixtion de la part d’interprétation de ce qui fut n’entrave en rien une sorte de vérité d’authentification.
jean-paul gavard-perret
Xavier Bazot, Fresque et mosaïque, éditions L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 20 aout 2021, 176 p. — 20,00 €.
« Il est des écrivains dont le langage est une patrie. Xavier Bazot a inventé la sienne. Il crée une langue qui a du souffle. Les mots bruissent, certains se taisent. Ils nomment des choses inconnues, peut-être des choses innommables. » (Jennifer Kouassi, Le Magazine Littéraire)
Idem pour JPGP .