Xavier Bazot, Fresque et mosaïque (Rentrée littéraire 2021)

Scènes de vies conjuguées

La recons­truc­tion du temps que pro­pose ici Xavier Bazot est fait de coupes sombres à des inter­valles aléa­toires et sans souci chro­no­lo­gique d’une ving­taine d’années de la vie de famille de l’auteur de sa com­pagne Mina, de ses filles sten­dha­liennes Armance et Lamiel, dans un appar­te­ment d’un vieil immeuble pari­sien quasi aban­donné.
La venue au monde de l’aînée donne le point de départ et un démé­na­ge­ment forcé amène la fin.

Entre ces deux pôles et au détour d’un des ins­tan­ta­nés qui com­posent ce livre, l’auteur dépeint la vie de pau­vreté finan­cière d’un écri­vain mais qui lui per­met d’enrichir sa vie sans rien man­quer les années trop vites pas­sées d’enfance de ses deux filles. Le livre tire sa force moins de sa matière que la façon dont elle est agen­cée en une écri­ture dense et en cir­cu­la­ri­tés sub­tiles pour créer à tra­vers le dis­pa­rate des temps une cohé­rence par­faite entre ce qui se dilue et ce qui tient.
Xavier Bazot aura su pré­ser­ver les curio­si­tés du deve­nir de ses filles, écor­ner cer­taines normes du fonc­tion­ne­ment fami­lial, conju­gal, ami­cal et social et sou­li­gner cer­taines inconstances.

Inven­tés ou vécus, de tels sou­ve­nirs plus ou moins brouillés sont méta­mor­pho­sés par une écri­ture toute en finesse et en pré­ci­sion. Le lan­gage per­met la syn­thèse de “scènes de la vie conju­gale, tableaux pari­siens, apoph­tegmes, anec­dotes, his­to­riettes, récits de rêves, dits d’enfants, auto­por­traits en écri­vain”. Le tout non sans un cer­tain humour et une dis­tance suf­fi­sante pour extraire tout ce qui s’écrit de la simple anec­dote.
Et ce, de la part d’un amou­reux et d’un père “capable de véri­tables élans du cœur” envers les siens comme “envers des per­sonnes que je ne connais pas, avec les­quelles je vis dans une authen­tique fra­ter­nité, dont je me sens l’exact contem­po­rain, tels Osamu Dazai, Jean Rhys, Robert Walser”.

Sans débor­de­ments, l’auteur pro­pose à sa manière un récit d’initiation au sein d’une telle rêve­rie auto­bio­gra­phique.
Elle sert de ferment à une com­po­si­tion où l’immixtion de la part d’interprétation de ce qui fut n’entrave en rien une sorte de vérité d’authentification.

jean-paul gavard-perret

Xavier Bazot, Fresque et mosaïque, édi­tions L’Atelier Contem­po­rain, Stras­bourg, 20 aout 2021, 176 p. — 20,00 €.

1 Comment

Filed under Inclassables, Poésie

One Response to Xavier Bazot, Fresque et mosaïque (Rentrée littéraire 2021)

  1. Villeneuve

    « Il est des écri­vains dont le lan­gage est une patrie. Xavier Bazot a inventé la sienne. Il crée une langue qui a du souffle. Les mots bruissent, cer­tains se taisent. Ils nomment des choses incon­nues, peut-être des choses innom­mables. » (Jen­ni­fer Kouassi, Le Maga­zine Lit­té­raire)
    Idem pour JPGP .

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