Gérard Titus-Carmel, Ajours — Un rêve autobiographique (Rentrée 2021)

“Por­trait de l’artiste a specchio”

Les quelques 750 pages de Ajours se lisent d’une traite. Même chez un lec­teur pour lequel le jour­nal intime n’est pas et de loin le genre lit­té­raire pré­féré.
Cha­cun sait en effet com­bien le com­ment dire d’une telle entre­prise cache un com­ment taire.

Or Titus-Carmel prend par sur­prise le lec­teur et le genre lui-même. Certes, s’y retrouve ce qui fait la matière pre­mière d’un genre, à savoir une matière de vie.
Et c’est en retrou­vant une boîte de pho­to­gra­phies de son enfance qu’une telle entre­prise a débuté.

Par effet de retour d’un “je” dans un “je” pre­mier, l’auteur — un peu comme Rous­seau dans ses Confes­sions — défend une thèse : la jus­ti­fi­ca­tion d’une ipséité par l’immixtion d’un rap­port à l’altérité à soi-même dans le tra­vail au temps. L’auteur et artiste est très fort en son choix stra­té­gique. A l’autobiographie, il pré­fère ce qu’il inti­tule “rêve auto­bio­gra­phique”.
Titus-Carmel lève ainsi l’ambiguïté que recèlent les mémoires et l’autobiographie.

Ajours, comme son titre l’indique, crée des espaces au sein de l’entreprise mémo­rielle. En de tels néces­saires trous d’air s’engouffre un autre type de vérité : “non celle du sou­ve­nir mais celle de l’écriture elle-même dotée d’exigences propres” (qua­trième de cou­ver­ture). Car — et faut-il le rap­pe­ler ? — si Titus-Carmel reste un artiste majeur, il demeure un écri­vain du même ton­neau. Ce livre le prouve au moment où il change de bra­quet. Ce qui n’est pas sans nous sur­prendre.
Celui qui jusque-là s’était révélé poète (citons parmi plus d’une tren­taine de titres “La tom­bée”, “Ceci posé”, “Res­sac” ou “Hori­zon d’attente” et théo­ri­cien de l’art) se révèle un fan­tas­tique prosateur.

Son “Por­trait de l’artiste a spec­chio” trans­forme la matière de vie en dif­fé­rents pans signi­fi­ca­tifs. A qui se demande ce qu’est l’écriture et ce qu’elle pro­duit, le livre prouve com­ment une vie flé­chée se noue à l’écriture. Les pages se suc­cèdent pour prê­ter à la réa­lité une manière de fon­der un sens et un chant. L’ouvrage trouve un che­min opposé au clas­sique jour­nal infime.
Titus-Carmel montre com­ment il a vécu dans et par l’art depuis le choc pre­mier et les aven­tures qu’il a sus­cité pour et dans l’affirmation de l’homme en tant qu’artiste et écrivain.

jean-paul gavard-perret

Gérard Titus-Carmel, Ajours — Un rêve auto­bio­gra­phique,  L’Atelier Contem­po­rain, coll. “Lit­té­ra­ture”, Stras­bourg, 2021, 754 p. — 25,00€.
Mise en vente le 17 sep­tembre 2021.

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