Annie Degroote explore, depuis de nombreuses années, l’Histoire des Flandres françaises, sa région natale.
Avec Des cendres sur nos cœurs, son dix-neuvième livre, elle raconte les guerres que se sont livrés catholiques et réformés dans la seconde moitié du XVIe siècle dans cette région et les changements politiques qu’elles ont entraînés.
En introduction, elle décrit la prise de Thérouanne, ce bastion français cher à François Ier, par les troupes de Charles Quint et la fuite d’une famille de petite noblesse.
Puis, elle projette son récit dix ans plus tard.
Loup Daredeville, à quatorze ans, est élève à l’école latine d’Armentières. Il ambitionne d’entrer à l’université de Louvain. En rentrant chez lui, parce que son père le demande, il sauve la vie de la comtesse d’Egmont dont le cheval s’est emballé. Séduite par son rapport à l’animal, elle lui propose d’entrer à son service comme page. Ravi, il hésite cependant mais il finit par accepter cette proposition qu’il juge unique pour intégrer l’univers de la noblesse, des gens de pouvoirs.
Il part pour Bruxelles pour servir Sabine de Bavière, l’épouse du comte Lamoral d’Egmont, gouverneur de Flandres et d’Artois, seigneur d’Armentières.
Depuis quelques temps, des tensions s’accroissent entre Espagnols et Flamands, entre catholiques et huguenots. La religion, omniprésente, génère des conflits qui s’enveniment. Loup, catholique, va se trouver entraîné dans une lutte déchirante. Il va devoir, à son corps défendant, prendre parti dans cette véritable guerre qui va opposer, même au sein de familles, les tenants du catholicisme et ceux de la religion réformée.
Cette dernière a su convaincre une large partie des habitants de Flandres. Les prêches calvinistes séduisent avec cette approche loin des messes en latin et des indulgences.
Avec ce nouveau roman, Annie Degroote braque le projecteur sur des événements avérés, sur une partie de l’Histoire qui a été volontairement effacée, condamnée à l’oubli par un catholicisme triomphant. Si Loup Daredeville est un personnage de fiction, il fréquente nombre de protagonistes authentiques de cette époque, à commencer par Lamoral d’Egmont, un fameux capitaine qui a payé de sa vie une volonté d’apaisement, de rassemblement.
Il fait partie de cette haute-noblesse des Pays-Bas favorable à une approche plus modérée contre un roi Philippe II, établi à Madrid, partisan d’une position dure face à la montée du culte réformé. Il donne un pouvoir illimité à l’Inquisition.
La romancière ne fait pas preuve de manichéisme et s’attache à montrer les divergences au sein de chaque camp. Elle donne à réfléchir quand elle décrit la composition de l’armée de Charles Quint qui assiège Thérouanne. Et ce sont les destructions des lieux de cultes, le saccage de la cathédrale d’Anvers par les Gueux, la chasse aux images par les calvinistes, sachant que les sculpteurs étaient souvent désignés comme des imagiers.
C’est aussi le rappel des tortures, des bûchers, des exécutions, de ces femmes qu’on enterre vivantes…
La romancière s’est livrée à un travail exceptionnel de recherches et de documentation. Elle fait revivre les débuts de l’imprimerie avec Christophe Plantin, partager le quotidien de Bruegel à Bruxelles. Elle évoque Erasme et sa philosophie… Elle fait œuvre, également, de guide touristique en faisant la description de lieux emblématiques comme la ville de Gand, le Palais de Coudenberg à Bruxelles, la Bourse d’Anvers…
Des cendres sur nos cœurs fait revivre une période cruciale pour une région, une histoire passionnante dans la grande Histoire sur les pas d’une galerie de protagonistes parfaitement mise en scène.
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serge perraud
Annie Degroote, Des cendres sur nos cœurs, Les Presses de la Cité, coll. “Terres de France”, avril 2021, 512 p. – 21,00 €.