Quand la statuaire macabre envahit
Pietà propose une intrigue en deux parties séparée par sept années. Un tueur en série construit une œuvre, dont la finalité n’est connue que de lui, en constituant une chaîne de cadavres placés dans la posture de sculptures célèbres et parfaitement représentatives de son objectif.
En février 1989, il gèle. Au cœur de Londres, dans Hyde Park, une joggeuse a été intriguée par une statue. Quelques heures après, le sergent Benjamin Chambers de la Metropolan Police est dépêché sur les lieux. Sur place, il retrouve deux autres policiers Adam Winter et son équipière Reilly. À ses yeux, le corps a une étrange position, comme celle du Penseur d’Auguste Rodin. Lorsqu’il monte sur le socle, le détective constate avec terreur que l’homme gelé est… toujours vivant. La victime, qui meurt rapidement, est vite identifiée. Il s’agit d’Henry John Dolan, entraîneur dans une salle de sport. Mais avant que Chambers avance dans son enquête une seconde sculpture humaine est découverte. Une femme toxicomane Nicolette Cotillard et Alphonse, son fils adolescent reposant sur ses genoux, singent la Pietà de Michel Ange.
Deux suspects se dégagent. Alors que Chambers lie les deux meurtres, l’inspecteur en chef, qui a une dent contre lui, refuse cette version. Les recherches avancent, mais Chambers, dans le British Museum, se fait piéger. Bien que drogué, il se lance à la suite du tueur et se retrouve gravement blessé dans un accident. Winter et Reillly, arrivés en renfort se précipitent. Elle est la cible du meurtrier qui la tue. Et un SDF avoue avoir tué Dolan…
Sept années passent. Une jeune fille, Jordan Marshall, devenue inspectrice stagiaire reprend l’enquête car elle était très proche d’Alphonse. Elle réussit à convaincre Chambers et Winter de l’assister dans sa quête. Le coupable est vite identifié mais il faut des preuves solides pour l’accuser bien qu’entretemps il ait continué sa sinistre collection de statues…
Si la première partie du roman, après la mise en place des éléments du drame, se compose d’une enquête au déroulement classique, c’est-à-dire la recherche d’un meurtrier à partir de possibles indices, la seconde est construite selon le mode du roman criminel inversé. Le lecteur, comme ici les enquêteurs, connaît le coupable, mais c’est la recherche de la preuve irréfutable nécessaire pour le faire arrêter et condamner.
Il est assez fréquent que les policiers soient confrontés à ce type de situation. Les faits prouvent la culpabilité mais il manque l’élément essentiel pour asseoir leur intime conviction. C’est le cas pour ces truands impliqués dans des affaires plus que douteuses, de ces trafiquants comme de ces hommes politiques mouillés jusqu’au-dessus du crâne dans des malversations, des détournements d’argent des contribuables.
Pour faire vivre son intrigue, mener les enquêtes, le romancier conçoit une galerie de personnages forts bien construits, des individus dotés de profils psychologiques étayés et variés. Il met en avant un trio de policiers, changeant cependant, entre les deux périodes de personnage féminin, faisant mourir Reilly et arriver Jordan. Il n’épargne pas ses héros, les impliquant dans leurs recherches au point de leur ôter toute vie personnelle et les brutalisant physiquement et psychiquement.
Des précisions très utiles et pertinentes sont distillées tout au long du récit sur la statuaire grecque, sur les œuvres que le tueur imite. Mimic, le titre original donné par Daniel Cole, se traduit, comme chacun sait, par Imite, ce qui ouvre une autre approche du contenu du livre.
Alexandra Limon réalise des illustrations des œuvres reproduites par le tueur, illustrations que l’on découvre dans le cours du l’histoire.
Avec Pietà, Daniel Cole donne un récit passionnant, avec des personnages remarquablement construits pour une intrigue qui maintient une vive tension jusqu’au dénouement.
serge perraud
Daniel Cole, Pietà (Mimic), traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Magali Duez, Robert Laffont, coll. “La Bête Noire”, juillet 2021, 400 p. — 20,00 €.