Johnny Halliday & Amanda Sthers, Dans mes yeux

Dans mes yeux d’Amanda Smet

Amanda Sthers en duo avec Johnny Hal­ly­day ! On n’aurait même pas osé l’espérer dans les rêves les plus fous.

Dès les pre­mières lignes de son avant-propos, Amanda nous pré­vient qu’elle n’est pas la pre­mière à se pen­cher sur le mythe : les plus grandes plumes du 20è siècle se sont inté­res­sées à Johnny avant elle : Daniel Ron­deau ! Phi­lippe Labro ! Même Mar­gue­rite Duras, qui devait croire que Johnny était le fils de Chris­tine Vil­le­min, a écrit sur l’icône des jeunes. Ne manquent à l’appel que Proust, Camus et Enid Bly­ton.
Donc Amanda, qui joint sa plume à cet aréo­page de génies, nous pré­vient que ça va être du lourd. Le pro­blème est que Johnny est timide, qu’il a du mal à se livrer et qu’il rou­git faci­le­ment. C’est son côté émou­vant : il veut être le pre­mier, le meilleur le plus grand (après Brel quand même concède-t-il) mais il aspire à la tran­quillité. Il veut chan­ter dans la lumière mais ne rêve que de vivre dans l’ombre.

D’ailleurs, Johnny le confesse : il ne vou­lait pas être chan­teur mais acteur. Voire pilote de course. Dan­seur, même : à 6 ans il était petit rat à l’opéra de Paris (p. 32). Hélas : « un jour un prof m’a mis la main au cul et j’ai arrêté ». Et voilà com­ment on détruit une car­rière à la Nou­reïev. Des années plus tard, il se fait de nou­veau tri­po­ter : après un de ses pre­miers concerts à l’Olympia c’est Edith Piaf qui lui met la main sur la cuisse et la remonte peu à peu : avant Mar­cel, elle rêve qu’elle le serre dans ses bras. Mais Johnny n’aime déjà pas les vieilles, il fait sem­blant d’aller aux toi­lettes et s’enfuit. Pas dame pas dame pas dame ! Elle n’a pas pu ouvrir les portes du pénis entier.

Johnny est caté­go­rique : « le rap, la techno, c’est pour une géné­ra­tion anes­thé­siée » (p. 64).
Johnny est péremp­toire : Henri Sal­va­dor, habi­tué aux textes au cor­deau de Boris Vian, est décon­certé par la pre­mière appa­ri­tion du jeu­not qui se roule par terre sur la scène de l’Alhambra : « Sal­va­dor qui, disons le fran­che­ment, était un vieux con ».
Johnny est un ciné­phile lucide. D’où viens-tu Johnny ? a été sa pre­mière décep­tion ciné­ma­to­gra­phique. « Cela dit, avec le recul, c’était vrai­ment nul ».
Johnny a croisé les grands de ce monde : Jimmy Hen­drix qui dor­mait avec sa gui­tare pour qu’elle n’attrape pas froid et les Beatles. En 1965, il a failli les enga­ger comme musi­ciens pour l’accompagner dans une tour­née ; à un jour près ça ne s’est pas fait. Dom­mage ils auraient pu faire par­ler d’eux.
Les plus grands ont écrit pour lui : Michel Ber­ger, Jean-Jacques Gold­man, Phi­lippe Labro, auteur de la sep­tième de Bee­tho­ven. Avec Mathieu Che­did, il n’a pas ren­con­tré le suc­cès escompté : « l’album avait des fai­blesses au niveau des paroles » (p. 183). Que je t’M !

Johnny est phi­lo­sophe : « Je suis chan­teur pas homme poli­tique. Je ne pré­tends rien je n’assène rien, je ne fais que chan­ter ». « Pour qu’il se passe quelque chose entre deux hommes, il faut une femme » (p. 89). Et des femmes il en a eu tel­le­ment qu’on se perd entre celles qu’il a épou­sées, celles qu’il n’a pas épou­sées, celle qu’il n’a pas eue parce que Sar­dou avait la chiasse. Et celle qui était hys­té­rique et balan­çait les chaises par la fenêtre ; celle-là, la pire de toutes, qu’il décrit comme une folle furieuse, « un ser­pent, elle me cocu­fiait tout le temps (…) avec tous les petits mecs de Saint Tro­pez » il l’a épou­sée deux fois. C’est la seule. Elle devait savoir allu­mer le noeud. Sacré Johnny.
Il est un modèle pour tout le monde : pour Claude Fran­çois : « il bos­sait dix fois plus que moi. Mais n’arrivait jamais à faire ce que je fai­sais. Ca le ren­dait fou. Jaloux. Il dra­guait mes nanas et, en déses­poir de cause il se tapait mes ex ». Ceci étant, se taper les ex de Johnny, ça fai­sait déjà pas mal de monde et ça laisse juste le temps de chan­ger les ampoules de la salle de bain.
Pour Sar­dou aussi qui « a tou­jours été jaloux de moi, tou­jours voulu faire la même chose que moi » (p. 100). A trop pous­ser le bou­chon, Sar­dou a fini par deve­nir « un vieux con réac ».
Johnny sait être défi­ni­tif « Rien n’a rem­placé le rock. Rien ne rem­place jamais rien ». Un esprit retors pré­ci­se­rait : rien ne rem­place jamais rien, et réci­pro­que­ment.

Comment pondre un tel ouvrage ? C’est facile, Amanda nous donne sa recette dans son avant-propos : « il a parlé. On s’est tus aussi ». Imitons-les !

fabrice del dingo

Johnny Hal­li­day & Amanda Sthers, Dans mes yeux, Plon, 2013, 150 p. — 16,90 €.

3 Comments

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3 Responses to Johnny Halliday & Amanda Sthers, Dans mes yeux

  1. martin

    je reste sans voix! com­ment lire ce livre de Johnny après une telle analyse…le monde entier devrait ne lire que ce bon résumé! merci !éclat de rire de salu­brité publique!

  2. Marie H

    Pas dame, pas dame, pas dame… j’adore; “les portes du pénis entier”, il fal­lait oser! A part ça, et sans faire dans la défense de la langue fran­çaise, “réac­tion à”, ce serait sans doute mieux que “res­ponse to…”.

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