Zidrou & Alexei Kispredilov, eVen

Ah !, les nou­velles thérapies…

Un com­mu­ni­qué du minis­tère de la Santé de la Com­mu­nauté euro­péenne pré­sente le trai­te­ment eVen pra­ti­qué à l’érospital de Mont­pel­lier 2. Il apporte l’équilibre des pul­sions, la satis­fac­tion sexuelle, la jouis­sance, l’orgasme pour amé­lio­rer le bien-être socio-affectif de chaque citoyen. Les thé­ra­pies sont entiè­re­ment rem­bour­sées mais ouvertes seule­ment aux Swiiits (Les beaux), for­mel­le­ment inter­dites aux Ugs (les moches).

Serena, une veuve, veut revivre la pas­sion de son pre­mier et unique amour décédé il y a trente-quatre ans. Le vio­leur d’une vieille femme se voit impo­ser la thé­ra­pie et un homme est si dévasté qu’aucun algo­rithme neuro-érogène ne l’émeut. Une femme de ménage, une Ug invi­sible, qui net­toie les sécré­tions lais­sées par les patients, va faire bas­cu­ler un édi­fice soi­gneu­se­ment construit quand Ann Sey­mour, du New scien­tist, prend rendez-vous avec le doc­teur Sidibe, cofon­da­teur du trai­te­ment.
Elle sou­haite par­ler de Jahida Belinsky, co concep­trice d’eVen. Celle-ci s’est sui­ci­dée en se jetant du haut de l’immeuble.

Les publi­ci­tés, les émis­sions de télé-réalité, les réseaux sociaux font l’apologie de la beauté, de la santé en fonc­tion de quelques cri­tères sou­vent incom­pré­hen­sibles. Il n’y a plus guère de place pour ceux qui souffrent de dif­for­mi­tés ou ne cor­res­pondent pas aux canons prô­nés par quelques déci­deurs qui ne doivent sûre­ment pas res­sem­bler aux images qu’ils imposent.
Zidrou reprend cette mou­vance et la pousse jusqu’à un cer­tain paroxysme, met­tant en avant une ségré­ga­tion basée sur l’esthétique. Et s’appuyant sur la moti­va­tion prin­ci­pale qui mène l’humanité, l’Amour, sa recherche, le plai­sir qu’on en retire, il ins­talle une sorte de régime politico-social qui maî­trise la part la plus intime de l’individu.

Avec une inter­ro­ga­tion quant à la mort de la cofon­da­trice, Zidrou recrée un uni­vers incom­mo­dant mais qui éclaire des dérives déjà lar­ge­ment amor­cées. Il fait état de Mao Zedong et de Kang Sheng, son âme dam­née, révé­lant leurs goûts pour un éro­tisme très épicé.
Le gra­phisme est assuré par Alexei Kis­pre­di­lov dans une veine semi-réaliste. Il pro­pose une atmo­sphère très colo­rée, usant de tona­li­tés fortes telles que des ocres, des verts et des bleus lumi­neux. Avec une mise en page dyna­mique, il brosse des per­son­nages aux traits expres­sifs et aux atti­tudes justes.
Avec eVen, Zidrou offre un album au sujet peu com­mun, oscil­lant entre sexe et éro­tisme mais sans tom­ber dans l’outrance, sans aller vers la por­no­gra­phie. Par cer­tains côtés, c’est un récit de pros­pec­tive avec, par exemple, le rôle des influen­ceurs, mais aussi un récit d’anticipation, voire de science-fiction pure, car ima­gi­ner un minis­tère de la Santé de la Com­mu­nauté euro­péenne aujourd’hui…

Mais en tout état de cause, un magni­fique récit riche en réflexions de toutes natures servi par un beau graphisme.

serge per­raud

Zidrou (scé­na­rio) & Alexei Kis­pre­di­lov (des­sin et cou­leur), eVen, Del­court, coll. “Hors Col­lec­tion”, juin 2021, 88 p. – 18,95 €.

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