Tout est esthétiquement superbe
Roy Andersson reste un réalisateur aussi génial que peu prolixe (6 films pour le Suédois de 80 ans). Pour son nouveau film, il reprend la forme et l’esprit de Chansons du deuxième étage.
Il époustoufle toujours autant par une succession de plans fixes composés avec une méticulosité extrême tels des tableaux vivants, témoins de toute l’absurdité du vivant et de la tristesse du monde.
Ce film à sketchs (un genre qui convient parfaitement à la syntaxe du réalisateur ) offre une vision dépressive à souhait là où tant de situations (Hitler et ses soldats ivres dans son bunker, un couple d’anonymes sur un banc, etc.) sont enveloppées et développées sous des couleurs jaune beige et passées intemporelles.
Certes, ce film est peu recommandé (et c’est un euphémisme) pour les amateurs d’action. Il ne se passe rien ou presque là où tout reste en suspens : “on est déjà en septembre” conclut — si l’on peut dire — le dialogue (ou ce qui en tient lieu) du couple sur son banc.
Mais tout est étrange, envoûtant et passionnant. Car tout est très drôle, très désespérant et surtout très beau.
Dans ce film où rien ne bouge, l’esprit s’agite par ce qui lui est donné à voir.
Celui qui a peaufiné pendant des années son langage en réalisant des dizaines et des dizaines de publicités qui impressionnèrent Ingmar Bergman continue de proposer une oeuvre des plus originales à l’envers de toutes les règles de narration.
Cela frise la perfection dans un monde où rien ne bouge ou presque et où mort et amour, religion, histoire et banalité du quotidien résument cruellement la condition humaine.
Entre burlesque au second degré et mélancolie la plus délétère qui soit, tout est esthétiquement superbe.
jean-paul gavard-perret
Pour l’éternité
De : Roy Andersson
Avec : Jessica Lothander, Martin Serner, Tatiana Delaunay
Genre : Drame, Comédie, Fantastique
Durée : 1H16mn
Sortie : 4 août 2021