Tel un ange délinquant et exterminateur…
Yuri Kuper est né à Moscou en 1940. Il effectue ses études à l’Académie d’Art de Moscou (1957–1963) et devient membre de l’Union des artistes russes en 1967. Il a 32 ans lorsqu’il décide face à la “bêtise” d’une nomenclature soviétique, dans un premier temps, d’émigrer en Israël, puis il s’installe à Londres . L’année suivante, le jeune artiste reçoit une bourse d’étude du groupe artistique “Yaddo” à Saratoga Springs (Etats-Unis).
Il publie un roman à New York (Fous sacrés à Moscou) puis décide de vivre à Paris. Néanmoins, il deviendra citoyen britannique en 1983. L’artiste a exposé dans de nombreux pays et son œuvre fait partie de plus grandes collections muséales (Musée Pouchkine de Moscou, Staatliche Museen de Berlin, MAM de New York, National Library of Congress de Washington ou encore Metropolitan Museum de New York entre autres.
Ce superbe livre reproduit ses oeuvres majeures, fruits des recherches qu’il a menées. Cette édition fait suite à l’exposition genevoise du créateur. Tel un ange délinquant et exterminateur, il s’amuse avec sérieux à faire fourcher l’art non sans une superbe algarade. Il marche dans la peinture comme sur l’eau. Mais celle des flaques dont aborder les rivages est l’unique sagesse plutôt que de vouloir y patauger.
La notion de littéralité est mise au premier plan. Yuri Kuper transforme la saisie brute du réel, le témoignage concret. La distance fait partie de ce travail qui se refuse autant à l’auto-représentation qu’à la présence de l’humain. Le royaume est sans reines ni rois mais l’artiste est présent.
A côté des peintures, Patrick Cramer a ajouté des travaux conçus pour la scène, qui ont l’air intéressants, comme des idées d’architecture et de décoration intérieure. Tout joue à la fois de proximité et de distance. Et cette double postulation accentue le plaisir l’attention et la surprise. Pour le Moscovite, “Il ne doit pas y avoir d’intermédiaire entre celui qui regarde et le tableau. Le tableau doit hypnotiser, de la même manière que la surface de la chose contemplée a hypnotisé le peintre”.
Au besoin, le peintre utilise divers rebuts pour les inclure dans ses toiles et les transformer comme par exemple le bois flotté en des gris merveilleux et argentés. C’est comme si de telles “choses” se dissolvaient afin que le tableau devienne une matière concrète en perdant sa nature première.
jean-paul gavard-perret
Yuri Kuper, Selected Works, texte de Mikhaïl Guerman, aux éditions Patrick Cramer, Genève, 2021, 504 pages sous emboîtage - 90,00 chf