Casser la pérennité des choses
De dos, je regarde ma bibliothèque est un livre performatif réalisé à partir de textes d’Anna Byskov écrits entre 1994 et aujourd’hui. La créatrice vit et travaille à Nice. Souvent, elle met son corps en jeu dans des actions décalées où le non-sens a bien plus que son mot à dire.
Par exemple, elle plonge jusqu’à n’en plus pouvoir dans une piscine après avoir enfilé un maillot de bain trop grand, ou elle se frappe la tête contre les arbres jusqu’à pratiquement s’assommer.
Engagée physiquement dans son travail au summum de la déraison par autodérision et farce, elle jouxte l’impossible Dans son actionnisme, Anna Byskov incarne aussi des personnages extravagants et stéréotypés.
Ceux-ci — empêtrés dans des conversations nonsensiques quoique plausibles — relativisent la notion de folie ou de déraison.
Ses sculptures cassent tout autant la valeur que la pérennité des choses. D’où sa recherche là encore du déséquilibre avec le carton pour matière.
Une fois construites et montées, ces oeuvres fragiles tombent comme l’artiste elle-même tentant de gravir un escalier de papier.
Son livre crée un monologue à plusieurs voix. Il est fragmenté, lacunaire. S’y entrechoquent ses actions à travers les textes qui en sont à l’origine, avec en supplément un index et des planches composées collectivement et subjectivement avec Richard Neyroud entre autres.
Un tel ouvrage devient un support permettant de propulser l’actionnisme d’Anna Byskov dans de nouvelles dynamiques et interprétations là où ‘De dos, je regarde ma bibliothèque / J’ai une belle tasse à thé sur une soucoupe / et ma main commence à trembler. / Je tire une ficelle et je mange un diamant enrobé d’un chocolat. /Je commence à raconter une histoire.” Puis une autre.
Et un bon tour est joué.
jean-paul gavard-perret
Anna Byskov, De dos, je regarde ma bibliothèque, éditions La Houle, 2021, 128 p. — 18,00 €.
Présentation à la galerie Eva Vautier 2 rue Vernier Quartier Libération 06100 Nice le 16 juilllet