La planète Mer : un espace en tension
On sait que la Terre est étrangement nommée, puisque la mer en recouvre les deux tiers. Dans son dernier numéro, Questions internationales propose de s’interroger sur les enjeux des espaces maritimes. Unie comme entité fluide, la mer est – de plus en plus – fragmentée : divisions géographiques entre mers et océans, distinction entre surface, eaux sous-jacentes, sol et sous-sol, divisions juridiques depuis le XIXe siècle, appropriation par les états côtiers.
La mer territoriale a quadruplé en largeur entre l’apparition de la notion et son emprise actuelle, sous l’influence de la création de concepts comme le plateau continental et la zone économique exclusive : la France a désormais le deuxième espace maritime au monde.
La mer conserve à l’évidence un rôle très important sur le plan stratégique ; mais ses usages se sont multipliés et diversifiés au cours des dernières décennies : ils sont économiques et essentiels pour toutes les questions touchant à l’environnement. La triple dimension stratégique, économique et environnementale est traitée ici aussi bien dans la profondeur de ses aspects historiques que dans ses enjeux actuels ou prévisibles.
Reste cependant en jachère la responsabilité collective des espaces maritimes, livrés à une compétition stratégique et économique dont l’environnement est le parent pauvre.
Le dossier est organisé en quatre parties. La première étudie « la mer comme espace fragmenté », avec trois articles s’intéressant à la mondialisation, à l’alternance entre compétition et collaboration interétatique, et à la puissance maritime de la France. La deuxième section analyse « la mer comme espace stratégique » : d’abord les marines de guerre, la dissuasion nucléaire par les sous-marins, et la confrontation de la France aux nouvelles menaces maritimes (ici, un entretien avec l’Amiral Rogel). La troisième partie concerne l’aspect économique : routes, ports et trafics, géopolitique des câbles sous-marins, hydrocarbures et ressources minérales du fond des mers. La dernière partie traite de l’aspect environnemental et des défis à venir : les questions que soulève l’exploitation des ressources marines, la pollution marine, les différents moyens de lutte contre l’élévation du niveau des mers, l’archéologie sous-marine.
Chaque article se complète d’une rubrique « pour aller plus loin » qui permet de répondre à un ou plusieurs aspects des enjeux soulevés dans l’article qui précède, par exemple « stratégies en Méditerranée orientale » pour faire suite à l’entretien avec J.-F. Dobelle, diplomate français, à propos de la puissance maritime de la France.
De nombreux schémas, cartes et tableaux permettent d’avoir immédiatement une vision synthétique et synoptique des enjeux, comme « l’espace maritime français » (p. 31), ou « principales marines de guerre – 2020 » (p. 43).
Le numéro se complète des rubriques habituelles de la revue, non spécifiquement maritimes : « questions européennes » (Ukraine-Pologne), « regards sur le monde » (la présidence Trump au Moyen-Orient), « histoires » (la conférence de Berlin, 1884–1885), « les questions internationales à l’écran » (une étonnante analyse de Plein soleil de René Clément).
On trouve enfin les résumés des articles en anglais, et une liste des cartes et encadrés.
Cette livraison de la revue met en lumière les tensions qui s’exercent, à tout point de vue, entre l’espace fragmenté que représente la mer aujourd’hui et les principes universels qui s’y appliquent.
yann-loïc andré
“Questions internationales” n° 107–108 : Géopolitique des océans, juin 2021, La Documentation française, Paris, 184 p. — 13,00 € (en vente le 22 juin)