Roberto Montaña, Rien à perdre

… mais rien à gagner !

Rien à perdre est un road-trip qui passe de la comé­die au drame et vice-versa. C’est drôle car le roman­cier intro­duit dans son récit de nom­breuses remarques, anno­ta­tions sur ces trois per­son­nages sin­gu­liers cha­cun à leur manière, mais si humains.
Mario vit encore sous la coupe de d’une mère tyran­nique. Wave court après la gloire et se retrouve cocu. Le Ner­veux tente de pré­ser­ver une vie fami­liale qui s’effiloche.
Wave – Gonzáles — se pré­pare dans la salle de bains quand Pat, son épouse, le pré­vient que ses amis l’attendent. Ils doivent par­tir quelques jours en Uru­guay. Sa fille est malade et la der­nière crise a été ter­rible. Mais, entre maquillage et mise de la per­ruque, le temps passe. Le ton monte entre les époux. Il jure qu’il est sur le point de faire un truc impor­tant pour eux et elle lui annonce qu’elle a cou­ché avec un autre. Ses amis, le Ner­veux et Mario, s’impatientent.

Ce voyage a été décidé au bout de la nuit qui a suivi la réunion des anciens élèves du lycée de Bue­nos Aires. Ils ne s’étaient pra­ti­que­ment pas vus depuis trente ans. Ils embarquent dans la Tau­nus de Mario, presque un véhi­cule de col­lec­tion. Mais ses amis s’étonnent de voir Wave engoncé dans une gabar­dine. C’est lui qui a insisté pour faire ce voyage jusqu’à la mai­son de sa tante. C’est à la fron­tière que Wave trans­pire à grosses gouttes quand il voit des doua­niers accom­pa­gnés d’un chien reni­fleur. Son vête­ment est bourré de drogue. Il a accepté ce rôle de mule pour avoir les moyens de soi­gner sa fille et de finan­cer le fameux disque qui lui assu­rera la célé­brité en tant que gui­ta­riste. Il est tel­le­ment affolé qu’il se chie dessus.

Avec cet inci­dent, ils passent la fron­tière et, sur la route, ils croisent une autos­top­peuse à la gros­sesse très avan­cée. Elle doit retrou­ver sa tante dans la ville bal­néaire où ils vont.
Mais, les pro­blèmes sociaux, fami­liaux, sen­ti­men­taux les rat­trapent et les dea­leurs veulent leur marchandise…

Chacun est sur sa tra­jec­toire ayant du mal à ren­con­trer les autres. C’est cocasse car se mul­ti­plient les gaffes, les mal­en­ten­dus, les méprises. La voi­ture ancienne, que son pro­prié­taire entre­tient cepen­dant avec un soin jaloux, apporte sa part de décon­ve­nues par sa fra­gi­lité, ses pannes inopi­nées. Des dia­logues enle­vés et déso­pi­lants portent au rire tant les déca­lages sont si réels.
Mais avec la drogue et tous les ennuis que celle-ci va appor­ter au trio, c’est l’univers des dea­lers avec leur bru­ta­lité, la bar­ba­rie dont ils peuvent faire preuve pour la pro­priété de leur came qui est pré­senté. C’est le drame car ces trois, presque quin­qua­gé­naires, voient s’inviter dans leur vie des situa­tions pour les­quelles ils n’ont pas été pré­pa­rés. Celles-ci sont à l’opposé de ce qu’ils ont pu rêver, quand ensemble, à dix-huit ans, ils pas­saient le bac. Ces acteurs sont entou­rés d’une gale­rie de seconds cou­teaux d’une belle variété mais tous très vraisemblables.

Ce roman porte un aspect sombre, la déso­la­tion d’hommes qui, ensemble, prennent conscience de leurs exis­tences, du ratage de celles-ci.
Un roman qui se lit avec plai­sir pour la par­tie comé­die, qui amène une intros­pec­tion sur soi-même tant ils sont magni­fi­que­ment humains.

serge per­raud

Roberto Mon­taña, Rien à perdre (la noche en la que nos encon­tró el pasada) tra­duit de l’espagnol (Uru­guay) par René Solis, Métai­lié, coll. “Biblio­thèque hispano-américaine – Noir”, juin 2021, 160 p. — 18,00 €.

1 Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

One Response to Roberto Montaña, Rien à perdre

  1. Roberto Montaña

    Merci, Serge

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