Rien à perdre est un road-trip qui passe de la comédie au drame et vice-versa. C’est drôle car le romancier introduit dans son récit de nombreuses remarques, annotations sur ces trois personnages singuliers chacun à leur manière, mais si humains.
Mario vit encore sous la coupe de d’une mère tyrannique. Wave court après la gloire et se retrouve cocu. Le Nerveux tente de préserver une vie familiale qui s’effiloche.
Wave – Gonzáles — se prépare dans la salle de bains quand Pat, son épouse, le prévient que ses amis l’attendent. Ils doivent partir quelques jours en Uruguay. Sa fille est malade et la dernière crise a été terrible. Mais, entre maquillage et mise de la perruque, le temps passe. Le ton monte entre les époux. Il jure qu’il est sur le point de faire un truc important pour eux et elle lui annonce qu’elle a couché avec un autre. Ses amis, le Nerveux et Mario, s’impatientent.
Ce voyage a été décidé au bout de la nuit qui a suivi la réunion des anciens élèves du lycée de Buenos Aires. Ils ne s’étaient pratiquement pas vus depuis trente ans. Ils embarquent dans la Taunus de Mario, presque un véhicule de collection. Mais ses amis s’étonnent de voir Wave engoncé dans une gabardine. C’est lui qui a insisté pour faire ce voyage jusqu’à la maison de sa tante. C’est à la frontière que Wave transpire à grosses gouttes quand il voit des douaniers accompagnés d’un chien renifleur. Son vêtement est bourré de drogue. Il a accepté ce rôle de mule pour avoir les moyens de soigner sa fille et de financer le fameux disque qui lui assurera la célébrité en tant que guitariste. Il est tellement affolé qu’il se chie dessus.
Avec cet incident, ils passent la frontière et, sur la route, ils croisent une autostoppeuse à la grossesse très avancée. Elle doit retrouver sa tante dans la ville balnéaire où ils vont.
Mais, les problèmes sociaux, familiaux, sentimentaux les rattrapent et les dealeurs veulent leur marchandise…
Chacun est sur sa trajectoire ayant du mal à rencontrer les autres. C’est cocasse car se multiplient les gaffes, les malentendus, les méprises. La voiture ancienne, que son propriétaire entretient cependant avec un soin jaloux, apporte sa part de déconvenues par sa fragilité, ses pannes inopinées. Des dialogues enlevés et désopilants portent au rire tant les décalages sont si réels.
Mais avec la drogue et tous les ennuis que celle-ci va apporter au trio, c’est l’univers des dealers avec leur brutalité, la barbarie dont ils peuvent faire preuve pour la propriété de leur came qui est présenté. C’est le drame car ces trois, presque quinquagénaires, voient s’inviter dans leur vie des situations pour lesquelles ils n’ont pas été préparés. Celles-ci sont à l’opposé de ce qu’ils ont pu rêver, quand ensemble, à dix-huit ans, ils passaient le bac. Ces acteurs sont entourés d’une galerie de seconds couteaux d’une belle variété mais tous très vraisemblables.
Ce roman porte un aspect sombre, la désolation d’hommes qui, ensemble, prennent conscience de leurs existences, du ratage de celles-ci.
Un roman qui se lit avec plaisir pour la partie comédie, qui amène une introspection sur soi-même tant ils sont magnifiquement humains.
serge perraud
Roberto Montaña, Rien à perdre (la noche en la que nos encontró el pasada) traduit de l’espagnol (Uruguay) par René Solis, Métailié, coll. “Bibliothèque hispano-américaine – Noir”, juin 2021, 160 p. — 18,00 €.
Merci, Serge