“Les figures de silences” du livre appartiennent aux masques des sociétés traditionnelles, amérindiennes ou africaines que le poète collectionne.
Il y a là un univers d’intercesseurs secrets, des masques allégoriques et autres “pantins” qui font la nique à l’ordre vernaculaire.
Mais à côté, le poète revient à des paysages de silence et d’énigme qui lui sont chers : ceux du sud des États-Unis, du Maroc et d’Andalousie décrits à partir de ses anciennes notes de voyage ainsi que celui de son village natal poitevin.
Mais ce sont bien les terres arides qui dominent en tant que masques eux-mêmes minimalistes de la nature humaine.
Dès lors, tout ce qui semble muet pour beaucoup, le poète en fait son gain et son grain afin de souligner bien des manques.
Ce faisant, des émotions oubliées — chez le poète lui-même — renaissent : “On oublie les saints, tout le fleuri du monde / Est soudain sur les tombes. /Raccourci comme on n’avait pas prévu /De la naissance ignorée à la mort inconnue.”
Face à cet état des lieux, l’écriture — que l’auteur ne cesse d’interroger — crée des variations minimalistes d’un poème à l’autre. D’où la vibration et un certain plaisir de se retrouver face à ce qui — sans le poète — échapperait.
Cela permet enfin comme l’écrit l’auteur de se “tenir vivant dans le monde”.
Que demander de plus à la poésie ? Dans celle de Sacré s’entendent en sourdine les échos de celles et ceux qui se sont tus mais qui ici renaissent sous des masques.
Ils constituent le plus sûr rempart à ce qui en bout de chaque course finit par arriver.
Mais il s’agit encore et toujours de lutter.
jean-paul gavard-perret
James Sacré, Figures de silences, Tarabuste, 2018, 158 p. — 15,00 €.