Un atypique chasseur de vampires
Corbeyran propose une nouvelle conséquence du Jeudi Noir avec l’invasion d’êtres surnaturels. Les humains n’avaient pas assez de soucis avec les faillites en cascades, le chômage exponentiel et les longues files devant les soupes populaires.
Mais le propos du scénariste évolue et amène le héros à fréquenter des catégories bien humaines même si elles semblent parfois appartenir à d’autres natures. Il fait référence à Freaks, ce film mythique sorti en 1932 portant le titre de La Monstrueuse Parade en français et rend un bel hommage aux acteurs.
En 1952, dans un cimetière de New York, on enterre Charly. Seul un vieil homme barbu jette une poignée de terre sur son cercueil. Plus loin, se tient une jeune femme qui aborde l’homme lorsqu’il s’en va, voulant savoir s’il connaissait bien le défunt. Parce qu’il fait très froid, ils se réfugient dans un café. Après s’être restauré, l’homme raconte comment il a perçu le don de Charly, un don dont celui –ci ignorait l’existence, même si des événements dramatiques antérieurs auraient pu l’interpeller. Il possède la capacité de repousser les vampires.
C’est à la suite de crise de 1929 que le pays, plongé dans le chaos, voit surgir des créatures de tout poil, des vampires envahir les villes. Charly, sans travail, loue ses services à ceux qui sont importunés par la présence de créatures surnaturelles. Il est recruté par une épouse dont le mari a été égorgé par une lamie, une entité qui a les formes d’une charmante jeune femme. Il l’avait baptisé Rebecca. Mais avec une lamie dans le voisinage tout peut arriver et Charly va en faire la triste expérience.
Cette affaire va le mener sur des chemins inconnus, vivre des situations nouvelles, découvrir des univers insoupçonnés, non exempts de dangers…
Passionné par le fantastique dans toutes ses dimensions, le scénariste retrouve le thème du chasseur de vampires, mais un chasseur d’un type particulier bien éloigné de ceux qu’une littérature ou qu’un cinéma anglo-saxon a répandu. C’est un homme ordinaire que les circonstances obligent à mettre en œuvre un don qu’il juge dérisoire.
On retrouve également cette propension, née aux USA, qui consiste à porter plainte pour tout et n’importe quoi afin obtenir des dédommagements. Toutefois, Corbeyran n’introduit-il pas une parabole avec l’invasion de vampires dans un pays en crise ? N’assistons-nous pas au même phénomène dans l’actuelle pandémie ?
Le dessin réaliste est l’œuvre d’Emmanuel Despujol. Ce dessin aux traits légers est servi par une mise en page dynamique qui remplit le contrat d’une belle mise en images. Il invente un univers tiré de films en noir et blanc et puise dans son entourage pour ses personnages. Il reconstitue avec bonheur des ambiances de nuit, des scènes noyées dans la brume et soigne particulièrement les attitudes des acteurs du drame. Les décors sont attractifs et restituent l’atmosphère de ces régions dans les années 1930.
Les teintes douces de Fabien Alquier complètent heureusement un beau graphisme.
Mêlant situations sociales authentiques, éléments de fantastique et une belle part d’humour, Corbeyran propose un récit passionnant servi par un graphisme à la hauteur du sujet.
serge perraud
Corbeyran (scénario), Emmanuel Despugol (dessin) & Fabien Alquier (couleurs), Sideshow – volume 1 : Charly, Soleil, coll. Fantastique, juin 2021, 56 p. – 14,95 €.