Le combat de la langue contre elle-même
Avide d’art total, Narjisse TDK Moumna propose une pièce paradoxale et baroque.
Elle prend sa source dans la Renaissance et chez Shakespeare pour transformer une sorte de Mystère du Moyen Age en pièce d’avant-garde qui aurait transité par Jarry.
Tout pourrait être foutraque et l’est parfois. TDK est en effet superbement douée et joue de bien des codes.
La langue d’aujourd’hui est là mais dans une versification dans l’esprit et le style du maître élisabéthain.
En ce nouveau “Songe”, Bottom est la star. Mais, surtout, l’auteure en profite pour réviser le langage et sa portée. Même les patronymes ne sont pas oubliés.
Néanmoins, qu’on s’appelle Flute, Douillet, Toilette d’Araignée, Graine de moutarde, Crève-la-fin ou Cognassier ne doit pas assigner de tels individus à une résidence nominale forcée ou confinée.
Mille grâces sont donc accordées au langage qui emmène d’un point A au point B ou Z selon divers types de variations dans une fête où les caprices de l’amour se prononcent à travers les atours d’une langue aussi noble que de roture et ce, dans le plaisir de diverses joutes.
“Grande Funambule”, TDK ne cesse d’inventer des saillies imprévisibles dans le “foisonné-foisonnant et le turbrûlant” d’un texte musclé et filandreux.
L’ensemble est accompagné d’une musique (dont la partition est incluse dans le livre) de Björn Puhr. Elle donne son apport sonore à une telle forgerie de paroles entre vers et prose par celle qui bouge sans cesse.
Une telle chanson de geste crée un choeur commun à travers des corps disparates là où tout centre est dérangé.
L’exercice est mené tambour battant par celle qui, venue naguère de Fez, engage la langue en un combat contre elle-même pour l’emporter plus loin.
jean-paul gavard-perret
Narjisse TDK Moumna, Mon premier Nobel : Bottom, éditions Douro, collection Bleu Turquoise, Paris, 2021, 86 p. - 16,00 €.