Il y a l’image fixe — mais qui bouge. Lentement. Il y a les mots épars disjoints. Pas n’importe lesquels. Ni de n’importe qui. Les mots lancinants sur des plans généraux.
Vague. Ecume. L’image. Brûlante. D’où le feu et les déplacements. Entre la nuit et le jour qui se superposent. La route (un peu). L’amour — peut-être le plus fort. Le vent, le vent, le vent.
L’image et son négatif — le portrait et son trou. Un père. Le père. Et ses repères si longtemps enfouis.
Mais pas de pathos. Juste le ciel.
Et la musique qui ponctue le silence. Elle. Qui vient, revient, se rappelle sans s’épancher. Dans le rouge. Et le blanc.
Un chant. Un chant scandé. Pour tout dire. Du coeur. Et du corps dont soudain la partie gauche fut entravée dans ce retour amont.
Se livrer non pour se délivrer mais pour dire et pour montrer de la manière la plus pudique et par le plus vibrant hommage. Quelle forme donner au visage du disparu ? Sinon la déferlante et le feu.
Celui qui fut avant la réalisatrice est en elle, voire après elle. Triple incarnation pour une renaissance.
Linda Tuloup est la seule à la sauvegarder. Par l’image tendue de la fille au père, d’une berge à l’autre en ce feu souterrain qui éclot soudain de l’engendrement à l’amour éternel.
Le feu, le feu du feu et sa troublante obscurité.
Que l’image apaise là où l’amour ne peut s’épuiser. La mort hébraïque n’existe pas car la vie veille dans une telle élégie visuelle au moment où l’aimante est comme entraînée par la mer vers la terre qui restera promise et où la réalisatrice un temps égarée, dépaysée aborde.
Par son film, elle s’y s’élance.
Feu reste le chant premier inaugural sans qu’elle soit l’otage d’une mélancolie mais l’orante émergeant de sa chrysalide pour un éternel retour.
jean-paul gavard-perret
Linda Tuloup, Feu, film photographique, Festival Paris l’été, Du 15 au 31 juillet 2021, Lycée Jacques Decour, 75009 Paris.