Le désir de l’image par l’image
Entre Paris et Lausanne, la belle Abricot, dégagée des pièges du marieur fou, et Gabon s’enfoncent délicieusement grâce à l’auteur dans un monde qui se partage entre le cinéma (beaucoup) et la réalité (un peu).
Si l’affect est partie prenante et l’érotisme aussi, la farce reste en dominante.
Le plaisir se délecte à chaque page dans ce roman noir sur fond noir et écran blanc. Stévenin et Godard y règnent en maîtres même si le second est en situation périlleuse. Et dans ce texte, tous les clichés s’effacent pour exprimer le désir de l’image par l’image que le roman n’apprivoise pas mais laisse vivre tout en le dépassant en divers moments farces.
Existent une suite d’évasions et de cavalcades de Paris et sa cinémathèque (entre autres) et Lausanne (et son maître cinéaste). Les héros ne sont pas forcément révoltés car ils ont mieux à faire — dont se défaire de certains malfrats.
Dès lors, le livre avance en une fuite en avant. Les flash-backs sont — de facto — induits dans la matière même de l’histoire.
Pour le reste, tout avance vers le lac Léman là où ce gars bon de Gabon fait du paddle. Là où, aussi, l’ordre est moins du réel que de la fiction.
Et le stylo-caméra n’est plus une image. Jusqu’à ce que J-L G sortant de son marasme achève l’histoire par un définitif “coupez”.
Ce qui est peut-être injustifiable tant ce road-movie en ses moments farces nous ravit.
jean-paul gavard-perret
Philippe Thireau, Cinéma Méphisto, éditions Douro, coll. Bleu Turquin, Paris, 2021, 88 p. — 15,00 €.