Florence Quentin, Les grandes souveraines d’Égypte

La vérité sur ces souveraines

C’est le cinéma hol­ly­woo­dien, avec sa déme­sure et son mépris de l’Histoire réelle, qui donne l’image la plus répan­due sur ce que furent les reines d’Égypte. Joseph Man­kie­wicz impose sa vision avec l’arrivée fas­tueuse de Cléo­pâtre à Rome pour retrou­ver César. C’est sans doute la reine la plus connue car elle a béné­fi­ciée de récits écrits par des Romains.
Cléo­pâtre VII s’est mêlée à Rome ambi­tion­nant de réunir les deux grands empires pour régner sur la quasi-totalité du monde connu de l’époque. Or, Cléo­pâtre est le der­nier dia­mant d’une longue suite de femmes qui ont régné sur l’Égypte. On dénombre comme Grandes épouses royales, régentes, reines ou pha­raons, des cen­taines de sou­ve­raines en Égypte ancienne sur trois millénaires.

Si la majo­rité d’entre elles est peu connue, cela tient à deux rai­sons. La pre­mière réside dans le fait que l’égyptologie a été habi­tée, et le reste encore de façon vivace, par le machisme, la pen­sée patriar­cale, le modèle du XIXe siècle et d’une large par­tie du XXe. Des femmes ne pou­vaient pas occu­per la pre­mière place. La seconde est le peu d’informations par­ve­nues jusqu’à notre époque.
Pour­quoi tant de femmes ont-elles eu accès aux rênes du pou­voir alors que d’autres empires imposent une totale pré­po­tence mas­cu­line ? L’Égypte de cette période déve­loppe une civi­li­sa­tion évo­luée où les femmes, dans toutes les classes de la société, font l’objet d’un res­pect rare, ont accès à tous les postes, ont pleine capa­cité juri­dique, échap­pant ainsi à toute tutelle ou cura­telle en vigueur par­tout ailleurs. Ces der­niers asser­vis­se­ments per­durent encore trop dans le XXIe siècle apr. J.-C.

L’auteure fait donc le choix de rete­nir vingt por­traits, les plus emblé­ma­tiques, celles qui ont exercé le pou­voir pen­dant l’âge d’or de la civi­li­sa­tion pha­rao­nique, cette période dénom­mée le Nou­vel Empire qui débute avec la XVIIIe dynas­tie vers 1550 jusqu’à la XXe vers 1069 av. J.-C. Trois sou­ve­raines ont gou­verné de plein droit en tant que pha­raon femme, Hat­chep­sout, Méry­ta­ton et Taou­sert dite la Grande.
Elle aborde et expli­cite la nature de la théo­cra­tie pha­rao­nique qui donne au sou­ve­rain l’image vivante d’Horus sur terre. Cepen­dant, cette nature divine, cette royauté égyp­tienne com­binent des élé­ments mas­cu­lins et fémi­nins. Faut-il, alors, pen­ser que la légi­ti­mité du dieu ter­restre se fait par les femmes, ces femmes qui gra­vitent dans le cercle divin ? Les rela­tions entre Pha­raon et son épouse se fondent sur le mythe d’Isis et d’Osiris, cette sœur et ce frère qui ont donné nais­sance à Horus. C’est la rai­son et la jus­ti­fi­ca­tion des mariages consan­guins, de l’inceste, levés seule­ment dans la sphère royale. Ils échap­paient, de fait, aux lois humaines. Les rois pou­vaient épou­ser leur sœur ou demi-sœur mais aussi leurs filles.

Avec un tra­vail biblio­gra­phique remar­quable, une intro­duc­tion expli­ci­tant les contextes dans les­quels les sou­ve­rains évo­luaient, Flo­rence Quen­tin livre un ouvrage de réfé­rence sur le sujet.
Appuyé sur une docu­men­ta­tion presque exhaus­tive, fon­dée sur des recherches égyp­tiennes récentes, la nar­ra­tion de l’auteure est vivante, met­tant en scène ces reines dont les des­tins sont par­ve­nus jusqu’à notre époque telles Ahmès-Néfertari, Satré, Néfer­titi, Tiyi, Tey, les filles-épouses de Ram­sès II, les grandes épouses royales de Ram­sès III

serge per­raud

Flo­rence Quen­tin, Les grandes sou­ve­raines d’Égypte, Per­rin, mars 2021, 416 p. – 24,00 €.

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