La mythologie scandinave revisitée
Depuis le drakkar du prince Eidyr en route vers Jötunheim, les terres promises par Odin, Dal le guerrier voit le corps d’une jeune femme flotter. La peur s’empare de l’équipage lorsqu’elle ouvre les yeux. Elle dit s’appeler VEI, ran du troupeau de Veidar et elle ne leur veut aucun mal, simplement aller chez elle à Jötunheim, le domaine des géants de glace. Avant qu’ils puissent l’immoler, une tempête jette le navire sur une côte. Alors que Dal, obéissant aux ordres de son maître prépare le sacrifice, Veidar, un géant, intervient.
VEI a été préparée pour le tournoi du Meistarileikir, une suite de combats qui opposent les champions des géants à ceux d’Odin et des dieux Ases pour le contrôle de Midgard, le monde des humains. VEI va accomplir ce pour quoi elle a été préparée, formée. Mais les champions d’Odin sont difficiles à vaincre. Bien que gagnant les premiers combats, elle va devoir accepter une aide aussi peu fiable que possible, celle de Loki, le dieu habile et fourbe qui veut se venger de ceux qui le dédaignent. Mais, alors…
Les humains comptent peu dans la lutte qui oppose ces entités. Ils n’ont droit ni à la parole, ni à un libre arbitre. VEI s’inscrit dans un combat millénaire qui oppose les géants aux dieux et qui a trop souvent vu Odin triompher. Toute l’histoire passe par le regard de VEI, l’héroïne incontestable de cette saga. Avec elle, la scénariste fait vivre toutes les étapes de son parcours, les combats bien sûr, mais aussi les rencontres, les espoirs, les doutes, les échecs, les moments de bonheur dans les bras de Dal, dans d’autres moins sincères.
C’est toute la galerie des divinités qui défile avec leurs petits calculs, leurs intrigues, leurs intérêts minables. On retrouve, comme dans toutes mythologies, ces dieux aussi peu glorieux que les humains avec leur petitesse de vues, prêts à toutes les traîtrises, les complots, les déloyautés pour atteindre leur but, satisfaire leur ego, accaparer des richesses…
Avec VEI, les auteurs proposent un panorama des grandes figures de la mythologie scandinave, dans une épopée monumentale, avec les dieux et les géants qui se livrent une bataille par humains interposés, en les sacrifiant. Ceux-ci sont justes négligeable à leurs yeux. Cependant, VEI représente une certaine valeur aux yeux du géant dans la mesure où elle doit l’aider à assurer une suprématie perdue depuis des millénaires.
Sara B. Elfdren propose une héroïne bien résolue à accomplir son destin dans un récit rythmé. On se retrouve facilement dans ces galeries de protagonistes, même si l’on n’est pas familiarisé avec l’univers nordique qui met en scène Odin, bien sûr, mais aussi Thor, Freyja, Idunn, Skadi, Loki…
C’est à Karl Johnson qu’il revient de mettre en images cette saga vertigineuse, de rendre crédible la cohabitation des « petits humains » par rapport aux géants, aux dieux. Il livre des planches détaillées, des combats dynamiques et une galerie de protagonistes fort différents dans leur représentation et donc facilement identifiables.
Un album passionnant qui permet une approche approfondie de la mythologie nordique à travers un récit tonique mis en images de belle manière.
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serge perraud
Sara B. Elfgren (scénario),& Karl Johnsson (dessin et couleur), traduit de l’anglais par Margot Negroni, VEI, Ankama, mai 2021, 344 p. – 26,90 €.