Jacques Cauda, Jésus kill Juliette Éloïse

Esto Memor

Jour­nal d’un fou diront cer­tains, “jour­nal d’un jour­nal” écrit Cauda qui, et pour une fois, plu­tôt que de se cacher der­rière des masques devient le vibrant auteur de lui-même en dépit d’un état nais­sant d’un genre particulier.

En effet, le killer nous dit arri­ver au bout de sa vie et de son enfer. Il est vrai que l’auteur a payé de sa per­sonne : malade, ouvert et recousu de par­tout ( valve car­diaque, pro­thèse de hanche, abla­tion de la vési­cule, emphy­sème, lichen buc­cal, dia­bète), le voici dans notre monde de pan­dé­mie livré au monde dans défenses immunitaires.

Appa­rem­ment, il renonce avant l’ultime K.O. Il va même jusqu’à ima­gi­ner son enter­re­ment où il pense qu’il serait seul à suivre son cer­cueil. Pour autant, l’auteur à beau chas­ser son natu­rel “mys­ti­fi­ca­teur” et mâle séant,  il revient au galop, reprend racine dans des rêves où il épouse une héroïne de roman : la Juliette de Sade, celle des Pros­pé­ri­tés du vice qui se dis­sout en une belle Eloïse par l’Abelard dont le label d’art reste orgiaque.

Cela peut sem­bler étrange puisque cela se pro­duit 10 ans après son mariage.… Les fameux 7 ans clas­siques des unions sont donc dépas­sés. Mais des imbri­ca­tions ont lieu chez ce killer pas­sionné du jazz et de son nec­tar, comme de la folle du logis (enten­dez non l’épouse mais l’imagination). Néan­moins, la fan­tai­sie et le fan­tasme prennent le pou­voir et tiennent lieu d’existence : “les mots donnent soif, Kiravi mon amour” même si pour l’auteur son Eloïse reste “comme les étoiles qui enchantent la nuit”.
Et ainsi va la vie au nom du soleil qui, en éclai­rant le jour, illu­mine aussi sa route.

Cauda conti­nue à construire le réel par sub­ver­sion en un ima­gi­naire tou­jours aussi dégin­gandé. Il trans­plante ainsi le réel dans une ges­tuelle poé­tique qui incline moins à la déré­lic­tion qu’à une déter­ri­to­ria­li­sa­tion des don­nées immé­diates de la conscience au sein d’une dia­lec­tique bis­cor­nue. Elle per­met de com­prendre les strates qui font la vie comme la lit­té­ra­ture.
Cet “embar­que­ment pour cir­rhose” ne marque pas pour autant l’apothéose d’un vaincu. La vie va encore dans des débou­le­ments à la Sarah Vau­ghan ou à la Mara­dona. Ils ato­misent à leur manière la mort par ces his­toires allé­go­riques qui puisent avec adresse et en action de dis­grâce dans le quo­ti­dien comme dans la lit­té­ra­ture sub­ver­sive d’un allumé Tin­tin en âme homérique.

jean-paul gavard-perret

Jacques Cauda, Jésus kill Juliette Éloïse, édi­tions Douro, coll. La dia­go­nale de l’écrivain, Paris, 2021 — 15,00 €.

3 Comments

Filed under Chapeau bas, Romans

3 Responses to Jacques Cauda, Jésus kill Juliette Éloïse

  1. Anne Marie Carreira

    Putain, je suis émue ! Ce texte m’a fait chialer

  2. cauda

    Merci Jean-Paul ! C’est bien tout moi ce que tu en écris !

  3. Richardot

    Pas­sion­nant, inte­nable, super­créa­tif Jacques Cauda !

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