Miroirs, reflets, métamorphoses
Dès les années 1930, Carlon Mollino employa diverses résidences turinoises comme toiles de fond pour ses portraits. En 1968, il acheva la Villa Avondo où il n’emporta que quelques polaroïds mais conçut une demeure secrète pour son esprit.
Bien qu’il n’y ait jamais vécu, elle fut quelque chose à la fois personnel et privé, conçu dans les moindres détails selon sa propre vision du monde.
Cette mystérieuse “Casa Molino” est mise à l’honneur dans l’exposition Mollino/Insides de la Collezione Maramotti à Reggio Emilia. Cette demeure est le miroir de la personnalité et le sens du style de celui qui en fut le propriétaire.
Elle est réinterprétée par l’artiste porto-ricain Enoc Perez et par la photographe allemande Brigitte Schindler.
Les photographies de celle-ci rendent compte du sentiment unique et du mystère suspendu en ces espaces. Miroirs, reflets, métamorphoses sont les axes d’une vision conceptuelle et esthétique. Enoc Perez s’est concentré sur ceux qui étaient autrefois habités par des figures culturelles emblématiques.
Il a créé des peintures à grande échelle spécialement conçues pour l’exposition.
Mais — et surtout — des photos de modèles féminins de Carlo Mollino sont également exposées. Ces portraits montrent la passion pour les femmes du créateur ainsi que ses fantasmes.
D’abord rationaliste, Carlo Mollino refusa cette école tant par le choix et le placement des objets dans sa demeure que par ses propres photos qui se rapprochèrent d’abord du surréalisme et d’une vision fantastique. Son art propose une réalité alternative.
Et le corps féminin traverse toute sa recherche depuis ses premières oeuvres jusqu’aux polaroïds de nus des années 1960. Il le met en scène avec décors et accessoires. Ses modèles sont donc intégrés dans un espace design pour magnifier leur beauté.
Toute l’exposition se concentre sur l’esprit de transformation d’une création visionnaire. Et les réinterprétations contemporaines de l’exposition répondent à ce qui fut conçu par Mollino. Preuve que l’architecte, designer, écrivain, skieur, pilote de course et de haute voltige qui apprit la photographie dans la chambre noire de son père, reste un expérimentateur de génie.
Et ce, même s’il ne se prétendit jamais — mais à tort — photographe ou artiste.
jean-paul gavard-perret
Enoc Perez, Brigitte Schindler & Carlo Mollino, Mollino/Insides, Collezione Maramotti, Reggio Emilia, du 19 avril au 4 juillet 2021.