Légitimations
Entre Capharnaüm et tour de Babel ou plus simplement Enfer, Elizabeth Prouvost et Claude Louis-Combet créent la communauté inavouable d’une fratrie, sa transformation des genres et le désir de vivre à l’extérieur de la norme.
L’oeuvre devient un art de situation. Il demeure essentiel dans un temps d’images dont on jouit forcément bien qu’elles ne soient adressées à personne.
A l’inverse, ici, l’art et la littérature coupent un flux quelconque et le remplacent par celui qui fascine et transporte. Voir et représenter n’est plus la perception à l’identique du réel.
Il vient du dedans par ce que les deux créateurs éprouvent et inventent et que, d’une certaine façon, ils légitiment.
Les apparitions sont à la fois sombres et lumineuses, dans une mise en abyme du corps absous des contraintes sociales, esthétiques ou morales. “La part maudite” chère à Bataille permet de faire jaillir des présences violentes, inavouables, voire obscènes.
D’un côté le sceau d’une certaine intemporalité, de l’autre un caractère de circonstance. L’aspect conte de fées est remplacé par un monde des abîmes de l’être.
Louis-Combet rappelle que seule la photographie permet d’aller plus au fond du secret. Le regard de l’artiste prolonge le travail d’un chirurgien des âmes à travers le corps. De chaque photographie émanent des grappes humaines sombres et éclatantes. Elles laissent entendre que l’existence même au fond des enfers l’emporte.
Prouvost et Louis-Combet tirent des âmes torturées de la constellation des organes au sein d’une reconquête à travers “la lumière des tripes” qui préside aux figurations.
Et ce, pour de nouveaux accouchements. Le tout sans prétendre épuiser l’indistinction et le chaos.
Jaillit de l’informe l’infinité des compositions de la vie loin des insipides évidences.
jean-paul gavard-perret
Elizabeth Prouvost & Claude Louis-Combet, Les Premiers-Nés, Les Âmes d’Atala Editions, 2021, 102 p.