Ahmed Tiab, Vingt stations

Une vie en Algérie

Ins­piré de faits réels, ce roman raconte, à tra­vers le par­cours d’un nar­ra­teur qui reste tota­le­ment ano­nyme, la guerre civile oppo­sant des isla­mistes au gou­ver­ne­ment pen­dant la décen­nie noire.
Il raconte com­ment l’islam s’est ins­tallé, com­ment pro­gres­si­ve­ment il s’est imposé auprès du peuple, auprès de ceux qui étaient sans moyens pour se défendre.

Un homme débous­solé monte dans le tram­way qui est devant lui. Il s’installe contre la vitre et regarde d’un œil cri­tique le monde autour de lui. Aux arrêts, des gens montent, des­cendent, des per­sonnes s’assoient près de lui. Ces ano­nymes font remon­ter des sou­ve­nirs, don­ner un avis, une opi­nion sur leur per­son­na­lité ou plus géné­ra­le­ment sur la société. Des enfants en âge sco­laire, des lycéens lui rap­pellent cette période où lui-même étu­diait. Il revit son enfance et les dif­fi­cul­tés avec son père qui a répu­dié sa mère, une femme libre de ses opi­nions et de son corps. Il a grandi sans amour car il est né par hasard.
Et, c’est l’arrivée de Ned­jma, une cou­sine de son père, une jeune femme venue pour assu­rer les soins du ménage.

C’est aussi l’arrivée d’une reli­gio­sité mena­çante qui s’empare de la société et ins­talle la ter­reur. Le gou­ver­ne­ment laisse faire, les nan­tis conti­nuant d’exporter pétrole, gaz et… la jeu­nesse. Mais il ne veut pas, comme nombre de son âge, s’exiler car il a Ned­jma dont il est fol­le­ment amou­reux, sen­ti­ment qui semble trou­ver une réci­pro­cité.
C’est l’amour impos­sible car son père a épousé la jeune femme.

Ahmed Tiab donne une pho­to­gra­phie de la société algé­rienne à la fin du XXe siècle et début du XXIe siècle. Chaque sta­tion, avec son flux de voya­geurs est l’occasion d’une réflexion, d’une remarque. C’est la place de la femme dans cette société, même avant l’islam, ce sont les quar­tiers nou­veaux avec leur lot de déses­poirs, c’est le quo­ti­dien du peuple. C’est la des­crip­tion du trau­ma­tisme causé par l’impunité après une pro­messe de paix en échange de jus­tice et de récon­ci­lia­tion.
Or, aucune jus­tice n’a été ren­due. Les cri­mi­nels ont été amnis­tiés, les meur­triers ont été libé­rés et remis au milieu de leurs anciennes victimes.

L’auteur raconte l’enfance dif­fi­cile, les vio­lences, l’espoir d’une vie plus douce grâce à l’amour, même s’il est inter­dit. La mort de son père, le mari de Ned­jma, ne résout rien car c’est une his­toire d’amour inter­dit sous la férule de la meute. Après la conci­lia­tion, le par­don des assas­sins, le blan­chi­ment des ter­ro­ristes, c’est un bon­heur dis­cret jusqu’au drame qui amène le nar­ra­teur au bord de la folie.
Il raconte sa des­cente aux enfers, le monde de la drogue, l’absence de futur, le poids d’une société bloquée.

Avec Vingt sta­tions, Ahmed Tiab pro­pose un livre choc, un regard sans fards sur une période ter­rible qui a encore aujourd’hui des consé­quences funestes.
Un témoi­gnage magistral !

serge per­raud

Ahmed Tiab, Vingt sta­tions, Édi­tions de l’aube coll. “Regards croi­sés – Fic­tion”, avril 2021, 208 p. – 19,90 €.

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