Un dictateur a toujours besoin d’âmes damnées
Tout est possible dans l’intrigue historique car il y a toujours des non-dits, des zones obscures où un auteur peut placer un nouveau récit mêlant vérité historique et fiction. Jean-Pierre Pécau, qui possède de solides connaissances dans le domaine, ne se prive pas de s’engouffrer dans ces ouvertures, dans ces failles laissées ouvertes par les récits des chroniqueurs de l’époque.
Jules César est une figure emblématique de l’empire romain qui a beaucoup œuvré sur de nombreux fronts, de l’Égypte à l’Angleterre. Pourquoi ne se serait-il pas attaché les services d’un Gaulois déterminé, grand guerrier pour faire de la place à son ambition ?
Sur la terre des Helvètes, en 60 av. J.- C., un guerrier vient au secours d’un groupe, exterminant à lui seul les assaillants. Il a sauvé Sanian, la fille de Divico, un chef helvète. Reçu par lui, Coax révèle que les clans germains s’assemblent pour envahir leurs terres et prendre leurs femmes. Il le sait car il vient de chez eux.
Coax replonge dans son passé quand, après avoir pris d’assaut un voilier, il rencontre Jules César, lui réclamant une rançon. C’est quelques temps après qu’il est fait prisonnier par ce César et vendu comme esclave pour l’arène. Après un combat victorieux, il est racheté pat le Général car celui-ci a besoin d’un homme comme lui pour… Et, il assouvira une vengeance…
Dans le second tome, le blé n’arrive plus à Rome, la faim s’installe, ce qui ne fait pas l’affaire de César qui brigue le pouvoir. Il charge donc Coax de trouver les causes de cette pénurie car est-ce un complot pour le discréditer ? Est-ce une manœuvre de Cléopâtre ? Coax va devoir mettre en œuvre sa science des armes car…
Chaque album recèle une mission accomplie par l’espion mais trace un fil rouge qui va relier les tomes de la trilogie, une intrigue transversale qu’il est intéressant de voir se développer. Le héros est un guerrier. Il y a donc moult batailles, combats de toutes natures avec nombre de protagonistes. Mais le récit est attractif car le scénariste sait faire monter la pression.
Fafner assure le dessin et la mise en couleurs. Il use d’un trait puissant, donne aux personnages la morphologie des super-héros avec des corps mesurant jusqu’à dix fois la hauteur de la tête. Ils sont présentés comme des montagnes de muscles, César compris qui présente une belle anatomie et qui manie les armes avec dextérité. La gestuelle est particulièrement mise en valeur, comme la représentation de groupes composés de nombreux participants.
La mise en page est efficace même si des planches présentent peu de vignettes. Si les décors sont absents en arrière-fond pour mettre en valeur des personnages et leurs émotions, ceux-ci sont détaillés et très recherchés quand le récit l’impose. Toutefois, pourquoi sur un marché aux esclaves, les femmes sont-elles entièrement nues alors que les hommes gardent leur vêture pour rester pudiques ?
Une série tonique mettant en scène un personnage incontournable dans un récit intéressant que renforce la mise en images vigoureuse.
lire un extrait du tome 1
serge perraud
Jean-Pierre Pécau (scénario) & Fafner (dessin et couleur), L’Espion de César — t.01 : Memento Mori & t.02 : La chienne d’Hadès, Delcourt, coll. “Histoire et Histoires”, septembre 2020 et avril 2021, 76 et 56 p. –19,99 et 14,95 €.