Le livre de Schroven est un exercice de capillarité et de résistance, l’auteur y fait preuve d’un regard, d’une énergie et d’une force même lorsque les vers semblent se fendre. Le tout pour vivre la vie, ici-même. Et pas seulement la sienne.
Le poète belge appelle ce qui vient, avec courage et envie et continuer de se donner au vouloir mystérieux d’une route que personne d’autre que lui ne prend là où l’écriture poétique désobéit aux formes consacrées du genre.
Se voulant “canal de la vie / son instrument” mais aussi son marteau sans maître, il garde sa poigne pour suivre un chemin “écrit nulle part” mais qui mène au lieu-dit où le déséquilibre fait le jeu de la porosité capable de saisir ce qui échappe.
Car c’est enn’ étant maître de rien qu’on peut espérer arpenter les mots qui, comme les vagues, ne possèdent pas de “formes prononçables”.
Gardant “entre les doigts un ciel immense”, celui qui possède un oeil de cyclope particulièrement voyant reste arrimé à la croyance du vivant mais sans d’autres formes de procès que celui de faire vœu d’un silence paradoxal.
Les mots y possèdent jusque dans la nuit des embryons flottants porteurs d’étincelles. Preuve que, chez Schroven, la poésie ne couche pas avec le néant car elle a mieux à faire. L’auteur ne se raidit jamais dans une peur atavique et préfère vaciller comme les flammes de sa vie que l’amour des mots apprivoise.
jean-paul gavard-perret
Pierre Schroven, Ici, L’arbre à Paroles, Amay, 2021, 62 p. — 10,00 €.