Julien Blondel, Jean-Luc Cano & Julien Teno, Elric – t.04 : “La cité qui rêve”

De la pure Fantasy

Les scé­na­ristes adaptent en BD le cycle de Fan­tasy écrit par Michael Moor­cock, un roman­cier bri­tan­nique. La pre­mière appa­ri­tion de ce per­son­nage date de juin 1961 dans une nou­velle parue dans Science Fan­tasy n° 47. C’est en réac­tion aux héros d’un Edgar Rice Bur­roughs ou Robert E. Howard qu’il pro­pose un per­son­nage prin­ci­pal faible, mala­dif et albi­nos, porté vers le roman­tisme, ne recher­chant ni la gloire, ni la for­tune.
Ses aven­tures rela­tées dans des nou­velles, des romans, s’inscrivent dans L’Hypercycle du Mul­ti­vers, l’univers créé par l’auteur.

La Cité qui rêve clôt un pre­mier cycle de quatre albums, por­tant le titre de Mel­ni­boné, qui est le nom du royaume d’Elric. Celui-ci veut retrou­ver ses racines, décou­vrir la vérité sur ses ancêtres après les révé­la­tions du sor­cier Saxif d’Aan. Il recherche les ruines de R’lin K’ren A’a, la cité ori­gi­nelle des Mel­ni­bo­néens pour trou­ver la preuve que ses ancêtres étaient purs avant d’être per­ver­tis par le Chaos.
Une puis­sante armée attend avec impa­tience, et inquié­tude pour cer­tains, l’arrivée d’Elric pour recon­qué­rir Mel­ni­boné. Or, il se fait attendre. Il navigue en com­pa­gnie de Smior­gan, puis on le retrouve sur le navire du Duc Avan en route pour R’lin K’ren A’a, une route aux innom­brables obs­tacles pour décou­vrir l’impensable…

Sans vou­loir faire une œuvre mani­chéenne, Mork­cock oppose cepen­dant deux concepts de nature rigide même s’ils recouvrent des réa­li­tés bien dif­fé­rentes. Ainsi, le Chaos, qui aurait per­ver­tit les Meli­bo­néens, la race d’Elric, repré­sente la liberté indi­vi­duelle, le bouillon­ne­ment créa­teur mais aussi le désordre, voire l’anarchie. En oppo­si­tion, la Loi c’est l’ordre, la tech­no­lo­gie, l’immobilisme, la confor­mité, la jus­tice.
On retrouve aussi le des­tin auquel on ne peut échap­per, les malé­dic­tions diverses qui obligent à ne pas connaître le repos, les enne­mis qui forcent à res­ter en guerre, les quêtes per­son­nelles telles la recherche de la vérité, de l’équité.

Ce qui est tou­jours éton­nant, dans de tels récits, qu’ils soient de Fan­tasy, d’Anticipation, voire du terme plus géné­rique de Science-fiction, est l’utilisation sub­tile que les roman­ciers font du quo­ti­dien des humains. Rares sont ceux qui ont une pré­science des évo­lu­tions et ce sont les bonnes vieilles lois, formes de société, faits socié­taux qui sont repeint dif­fé­rem­ment. Et ce qui est encore plus éton­nant, c’est l’attrait que pré­sentent ces nou­velles mou­tures, que les écri­vains savent rendre attrac­tives.
Les scé­na­ristes, qui prennent quelques liber­tés par rap­port à l’œuvre ori­gi­nale, donnent une belle série de com­bats, de batailles, un récit épique en grande tension.

Mais, ici, la mise en images n’est pas pour rien dans cet attrait car l’équipe d’illustrateurs, de Julien Telo qui signe les story-boards et les desi­gns avec la com­pli­cité de Ronan Toul­hoat, qui assure les des­sins que Sté­phane Pai­treau met en cou­leurs, retient l’attention. C’est une débauche de plans toniques, dyna­miques, mou­ve­men­tés. Les décors variés sont à la dimen­sion atten­due, pré­sen­tant des pay­sages gigan­tesques, des ruines colos­sales. Si les per­son­nages sont attrac­tifs dans leur repré­sen­ta­tion et dans le dyna­misme de leurs atti­tudes, les auteurs les confrontent à quelques monstres et enti­tés bien éla­bo­rés.
Le récit est intro­duit par un avant-propos assez dérou­tant, signé par Jean-Pierre Dion­net. Par contre, un cahier d’esquisses et de recherches expli­cite, en fin de volume, la genèse de la saga. Un cahier d’hommages fort réus­sis ter­mine l’album.

Un bel album tout à fait dans l’esprit du genre, avec un scé­na­rio tendu et un gra­phisme qui n’est pas en reste.

serge per­raud

Julien Blon­del (scé­na­rio d’après l’œuvre de Michael Moor­cock), Jean-Luc Cano (scé­na­rio d’après l’œuvre de Michael Moor­cock), Julien Telo (story-board, desi­gns, des­sin), Ronan Toul­hoat (story-board, desi­gns), Sté­phane Pai­treau (cou­leurs) & Jean Bas­tide (cou­ver­ture), Elric — t.04 : La cité qui rêve, Glé­nat, coll. “24x32”, avril 2021, 80 p. – 15,50 €.

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