Les scénaristes adaptent en BD le cycle de Fantasy écrit par Michael Moorcock, un romancier britannique. La première apparition de ce personnage date de juin 1961 dans une nouvelle parue dans Science Fantasy n° 47. C’est en réaction aux héros d’un Edgar Rice Burroughs ou Robert E. Howard qu’il propose un personnage principal faible, maladif et albinos, porté vers le romantisme, ne recherchant ni la gloire, ni la fortune.
Ses aventures relatées dans des nouvelles, des romans, s’inscrivent dans L’Hypercycle du Multivers, l’univers créé par l’auteur.
La Cité qui rêve clôt un premier cycle de quatre albums, portant le titre de Melniboné, qui est le nom du royaume d’Elric. Celui-ci veut retrouver ses racines, découvrir la vérité sur ses ancêtres après les révélations du sorcier Saxif d’Aan. Il recherche les ruines de R’lin K’ren A’a, la cité originelle des Melnibonéens pour trouver la preuve que ses ancêtres étaient purs avant d’être pervertis par le Chaos.
Une puissante armée attend avec impatience, et inquiétude pour certains, l’arrivée d’Elric pour reconquérir Melniboné. Or, il se fait attendre. Il navigue en compagnie de Smiorgan, puis on le retrouve sur le navire du Duc Avan en route pour R’lin K’ren A’a, une route aux innombrables obstacles pour découvrir l’impensable…
Sans vouloir faire une œuvre manichéenne, Morkcock oppose cependant deux concepts de nature rigide même s’ils recouvrent des réalités bien différentes. Ainsi, le Chaos, qui aurait pervertit les Melibonéens, la race d’Elric, représente la liberté individuelle, le bouillonnement créateur mais aussi le désordre, voire l’anarchie. En opposition, la Loi c’est l’ordre, la technologie, l’immobilisme, la conformité, la justice.
On retrouve aussi le destin auquel on ne peut échapper, les malédictions diverses qui obligent à ne pas connaître le repos, les ennemis qui forcent à rester en guerre, les quêtes personnelles telles la recherche de la vérité, de l’équité.
Ce qui est toujours étonnant, dans de tels récits, qu’ils soient de Fantasy, d’Anticipation, voire du terme plus générique de Science-fiction, est l’utilisation subtile que les romanciers font du quotidien des humains. Rares sont ceux qui ont une préscience des évolutions et ce sont les bonnes vieilles lois, formes de société, faits sociétaux qui sont repeint différemment. Et ce qui est encore plus étonnant, c’est l’attrait que présentent ces nouvelles moutures, que les écrivains savent rendre attractives.
Les scénaristes, qui prennent quelques libertés par rapport à l’œuvre originale, donnent une belle série de combats, de batailles, un récit épique en grande tension.
Mais, ici, la mise en images n’est pas pour rien dans cet attrait car l’équipe d’illustrateurs, de Julien Telo qui signe les story-boards et les designs avec la complicité de Ronan Toulhoat, qui assure les dessins que Stéphane Paitreau met en couleurs, retient l’attention. C’est une débauche de plans toniques, dynamiques, mouvementés. Les décors variés sont à la dimension attendue, présentant des paysages gigantesques, des ruines colossales. Si les personnages sont attractifs dans leur représentation et dans le dynamisme de leurs attitudes, les auteurs les confrontent à quelques monstres et entités bien élaborés.
Le récit est introduit par un avant-propos assez déroutant, signé par Jean-Pierre Dionnet. Par contre, un cahier d’esquisses et de recherches explicite, en fin de volume, la genèse de la saga. Un cahier d’hommages fort réussis termine l’album.
Un bel album tout à fait dans l’esprit du genre, avec un scénario tendu et un graphisme qui n’est pas en reste.
serge perraud
Julien Blondel (scénario d’après l’œuvre de Michael Moorcock), Jean-Luc Cano (scénario d’après l’œuvre de Michael Moorcock), Julien Telo (story-board, designs, dessin), Ronan Toulhoat (story-board, designs), Stéphane Paitreau (couleurs) & Jean Bastide (couverture), Elric — t.04 : La cité qui rêve, Glénat, coll. “24x32”, avril 2021, 80 p. – 15,50 €.