Didier Ayres, Cahier, “Fragment XXX ou Le temps”

LCahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour sup­port un cahier Conqué­rant de 90 pages à petits car­reaux; il est manus­crit jusqu’au moment où je l’écris de nou­veau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la pos­si­bi­lité don­née à l’écrivain de, tout en par­lant de lui, tenir un dis­cours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des prin­cipes d’identification aux­quels je prête foi.

Frag­ment XXX Ou Le temps

Le temps rend pos­sible. Il enfante. Des réa­li­tés. Il est accès au vivant. Il s’inscrit dans des cycles. Il invente.
Il est par essence pro­bable. Avec lui l’expérience du présent.

l ne se sus­pend jamais. Il est consub­stan­tiel à la vie. Ainsi, la mort est sans chro­ni­cité.
Elle défait l’existence et arrête le fleuve des instants.

Ce qui est dou­teux mal­gré tout, c’est le décou­page des évé­ne­ments. Ces mani­fes­ta­tions demeurent sub­jec­tives. Car l’on oscille dans des visions intel­lec­tuelles. On ne les connaît que par asso­cia­tion, comme une chaîne, alors que ces épi­sodes sont plu­tôt des liens conti­nus for­mant un ensemble stable et qui ne se découpe pas.

De ce fait, l’arbre du temps, sa valeur, ses ava­tars se mani­festent par des lignes bri­sées qui se frac­tionnent. Donc le temps est plus herbe que tronc, si l’on consi­dère que l’herbe suit un cycle tou­jours pré­sent alors que la forêt thé­sau­rise et contra­rie le flux, l’influx, la flexion du temps — sachant que l’herbe est sur­tout mul­tiple à l’infini.

Nonobs­tant la maté­ria­lité de cet écou­le­ment, l’on voit sans voir, l’on dis­tingue sans dis­tin­guer la manière dont la tem­po­ra­lité avance, pro­duit de l’irréparable. Fait réa­lité empi­rique.
À moins de voir le monde fabri­qué de réseaux de sub­stances. Son accès alors en passe par la nomi­na­tion, par ce que je désigne comme fais­ceaux du réel. Donc, cet empi­risme tient à ma per­sonne, aux phé­no­mènes que je res­sens, à une phi­lo­so­phie particulière.

Et l’infini ? Est-il d’ordre tem­po­rel ? La mort n’offre rien, elle pro­met peut-être une incar­na­tion nou­velle, du moins par le mélange du corps défunt et de la terre.
Mal­gré tout, le temps renou­velle l’expérience qui n’est pas une pour tou­jours. Par exemple mon sen­ti­ment de la vitesse du temps. Celui qui s’accélère ou se ralentit.

Le des­tin dépend de lui.

Didier Ayres

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