Le Cahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour support un cahier Conquérant de 90 pages à petits carreaux; il est manuscrit jusqu’au moment où je l’écris de nouveau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la possibilité donnée à l’écrivain de, tout en parlant de lui, tenir un discours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des principes d’identification auxquels je prête foi.
Fragment XXX Ou Le temps
Le temps rend possible. Il enfante. Des réalités. Il est accès au vivant. Il s’inscrit dans des cycles. Il invente.
Il est par essence probable. Avec lui l’expérience du présent.
l ne se suspend jamais. Il est consubstantiel à la vie. Ainsi, la mort est sans chronicité.
Elle défait l’existence et arrête le fleuve des instants.
Ce qui est douteux malgré tout, c’est le découpage des événements. Ces manifestations demeurent subjectives. Car l’on oscille dans des visions intellectuelles. On ne les connaît que par association, comme une chaîne, alors que ces épisodes sont plutôt des liens continus formant un ensemble stable et qui ne se découpe pas.
De ce fait, l’arbre du temps, sa valeur, ses avatars se manifestent par des lignes brisées qui se fractionnent. Donc le temps est plus herbe que tronc, si l’on considère que l’herbe suit un cycle toujours présent alors que la forêt thésaurise et contrarie le flux, l’influx, la flexion du temps — sachant que l’herbe est surtout multiple à l’infini.
Nonobstant la matérialité de cet écoulement, l’on voit sans voir, l’on distingue sans distinguer la manière dont la temporalité avance, produit de l’irréparable. Fait réalité empirique.
À moins de voir le monde fabriqué de réseaux de substances. Son accès alors en passe par la nomination, par ce que je désigne comme faisceaux du réel. Donc, cet empirisme tient à ma personne, aux phénomènes que je ressens, à une philosophie particulière.
Et l’infini ? Est-il d’ordre temporel ? La mort n’offre rien, elle promet peut-être une incarnation nouvelle, du moins par le mélange du corps défunt et de la terre.
Malgré tout, le temps renouvelle l’expérience qui n’est pas une pour toujours. Par exemple mon sentiment de la vitesse du temps. Celui qui s’accélère ou se ralentit.
Le destin dépend de lui.
Didier Ayres