Les éditions Casterman ont la riche idée de rééditer, en une intégrale, les trois premiers tomes de la série Arno. Cette série de six volumes est parue chez Glénat en deux rafales. Une première trilogie, avec André Juillard au dessin, publiée entre janvier 1984 et janvier 1987 et une seconde, avec Jacques Denoël au graphisme, entre mars 1994 et mars 1997.
Jacques Martin reprend la recette d’Alix, ce jeune romain qui devient l’ami de César. Arno, un jeune musicien vénitien, devient un proche de Bonaparte.
Tout débute fin juillet 1797 quand le général Bonaparte, qui mène la campagne d’Italie, arrive à Venise. Tout le monde est mobilisé pour l’applaudir sauf un pianiste qui continue à jouer sur son instrument. S’il est critiqué par un édile de la cité, Bonaparte apprécie sa musique et convie Arno Firenze à venir jouer chez lui, le lendemain soir.
Une bande de personnages masqués, identifiés par des cartes de pique, charge l’un d’eux de déposer une bombe, en la faisant descendre par la cheminée, pour tuer Bonaparte. Arno, en revenant dans le salon avec le Général pour dîner, est intrigué et sauve Bonaparte, scellant ainsi une belle amitié. Débute alors une succession de péripéties où Arno va devoir lutter de toutes les manières possibles, au péril de sa propre vie, contre Le Pique Rouge, une organisation criminelle puissante et déterminée…
Jacques Martin offre une suite prodigieuse d’actions sans trop se soucier ni de réalisme, ni de cohérence, voulant privilégier l’énergie. Il conçoit un scénario où tout est possible, ou presque. Et il faut se laisser emporter par ce tourbillon qui met en avant l’action d’abord dans un cadre historique cependant parfaitement authentique. En effet, si certains rebondissements peuvent être qualifiés de rocambolesques, la trame historique est rigoureuse, les données sur les faits, sur les lieux, sur les déplacements du général, sur des événements sont authentifiés historiquement.
Après Venise, le scénariste emmène son héros, au cours de l’année 1798, en Egypte avec les troupes de scientifiques, artiste et soldats. Et celui-ci se retrouvera, dans le troisième tome, en Angleterre.
Si les intrigues sont enlevées, toniques et très agréables à suivre pour leur diversité et leur dynamisme, la mise en images d’André Juillard est fantastique. Ce maître de la ligne claire brosse des personnages superbes tant dans leurs gestuelles que dans les expressions du visage. Il donne un Bonaparte presque plus vrai que les portraits officiels.
Il est aussi brillant dans le portrait que dans les scènes de foule. Il reconstitue des décors fabuleux, nourris par une documentation solide et par un art du détail. Que ce soit pour Venise, l’Egypte ou l’Angleterre, il en fait ressentir le climat, l’ambiance.
Arno est un magnifique album par son scénario riche en aventures échevelées et au graphisme absolument exceptionnel.
serge perraud
Jacques Martin (scénario) & André Juillard (dessin), Arno - Intégrale, Casterman, avril 2021, 156 p. – 35,00 €.