Dans la tourmente de la guerre…
Dans un lieu indéfini, dans un conflit qui semble être un de ceux de la Révolution russe, un groupe de soldats et de civils sont livrés à eux-mêmes.
Bien que la plupart soient gravement blessés, ils doivent sans moyens de transports rejoindre l’arrière, s’éloigner des zones de combats.
Dans un paysage montagneux, enneigé, un biplan mitraille un groupe de soldats et fait deux morts plus un nouveau blessé grave. Le groupe est épuisé. Il faut trouver un refuge. Dimitri, qui a vécu dans la région, sait qu’il y a un manoir dans le coin. L’ex-capitaine Svoga et le médecin prêchent pour cette solution contre l’avis du lieutenant Kuliakov qui veut regagner les lignes à l’arrière. Celui-ci finit par se rendre aux arguments et le groupe arrive en vue du bâtiment. Des enfants, depuis un œil-de-bœuf, voient arriver des êtres fantomatiques entourant deux fillettes, les enfants du médecin.
La baronne qui entrouvre la porte semble terrorisée et leur demande de partir. Une fusillade éclate. Svoga, avec quelques valides, a contourné l’édifice. Ils découvrent des déserteurs allemands et russes et font prisonniers ceux qui ne sont pas tués.
C’est la fille aînée du médecin qui découvre que la baronne cache quatre enfants dans son grenier. En revenant près de sa sœur, elle est agressée par un soldat. Elle fuit, et alors qu’elle va être rattrapée, une silhouette sombre s’interpose…
Et des soldats évoquent La Dernière ombre…
Dans le refuge où s’installe cette troupe qui ne pense plus guère aux combats, gravitent des groupes à l’existence encore dissimulée et dont les motivations restent incertaines. Et les légendes vont bon train dans ce manoir où le baron tient des propos peu courtois, son épouse tente de donner le meilleur confort à tous ceux qui se sont réfugiés sous son toit.
Ainsi, les enfants parlent d’un fantôme qui leur semble bienveillant alors que les soldats évoquent La Dernière ombre. Au milieu de ces billevesées, deux hommes gardent une certaine raison, l’ex-capitaine qui professe des idées sociales, pas toujours humanistes, quoique !, et le médecin qui est attaché à son devoir de soigner coûte que coûte.
Le graphisme est assuré de belle manière par Gaspard Yvan. Avec des dessins mêlant réalisme et quelques touches de fantastique, il met en scène cette histoire aux actions dynamiques. Il conçoit des personnages avec un bel équilibre entre réalité et synthétisation donnant des portraits précieux dans l’expression des émotions.
Les décors sont particulièrement soignés pour rendre l’atmosphère de ce périple d’éclopés perdus au sein d’une sorte de bulle fermée au monde extérieur. La mise en couleurs est à l’avenant, rehaussant les pages, apportant ce que le dessin ne peut rendre en matière d’ambiance.
Pierre-Denis Filippi conjugue avec bonheur des données fantastiques et les horreurs de la guerre dans un scénario fort en rebondissements, servi par une belle galerie de personnages dont il reste beaucoup à découvrir et une mise en images qui retient l’attention.
serge perraud
Denis-Pierre Filippi (scénario) & Gaspard Yvan (dessin & couleurs), La Dernière ombre – Chapitre 1, Vents d’Ouest, coll. “24x32”, avril 2021, 48 p. – 13,90 €.